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On peut, en effet, si je ne me trompe, réduire à trois les grands momens fondamentaux de l’établissement de la religion biblique. Trois noms les désignent : Noé, Abraham, Moïse

Quoique les scènes que la Genèse place dans le paradis terrestre soient présentées comme des faits, on doit hésiter à les qualifier d’historiques. Elles appartiennent à l’âge merveilleux de la création. L’histoire ne commence véritablement qu’à l’époque où l’homme, déchu d’une existence à nos yeux surhumaine, habite la terre que nous habitons dans la condition connue des derniers des enfans d’Adam : Or à ce moment, lorsqu’Adam et sa triste compagne furent chassés du jardin des délices et condamnés à la culture des champs, quelle était leur religion ? Le souvenir du paradis sans doute. La Bible se tait jusqu’au moment où elle dit tout à coup et sans explication « que le fils du troisième fils d’Adam, Enos, fils de Seth, commença le premier d’adorer Jéhovah. » Cependant, avant lui, Abel et Caïn, on ne le sait que trop, avaient offert des sacrifices. Un culte était donc fondé, quoiqu’il ne soit dit nulle part qu’aucune révélation l’eût prescrit. Tel resta probablement le culte simple des neuf générations qui se succédèrent de Seth à Noé ; mais il s’altéra avec les mœurs et fit place apparemment à des croyances et à des coutumes moins pures, puisqu’il fallut qu’avec Noé Dieu fit cette première alliance dont le signe fut l’arc-en-ciel.

Les fils de Noé se partagèrent les îles des nations, et de ce premier partage l’Écriture date l’origine des peuples, qui bientôt se dispersèrent au loin. De là probablement la diversité des religions ; mais des dogmes, mais des rites de ces temps primitifs, rien ne nous est raconté. On pourrait seulement conjecturer que la foi en un Dieu unique s’était conservée çà et là dans la Chaldée, puisqu’Abraham en était originaire ; mais son père lui-même avait adoré de faux dieux. Dix générations s’étaient suivies, lorsqu’une seconde révélation appela Abraham de la Mésopotamie dans le pays de Chanaan. Dieu fit avec lui une nouvelle alliance, dont le signe fut la circoncision et le nom du patriarche devint celui des Hébreux ou des adorateurs du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Mais quel était l’état religieux des populations au milieu desquelles il était venu s’établir, de la< ace de Cham, qui, selon le récit sacré, dominait alors dans ces contrées, ou de celle de Japhet, qui avait émigré vers d’autres climats, et que l’on peut, si l’on veut, regarder comme la souche de cette grande famille indo-européenne dont l’Écriture parle si peu ? Le texte est muet, et cependant il faut bien supposer que malgré le privilège d’excellence dont Abraham semble revêtu, il n’était pas le seul dépositaire du monothéisme et d’une liturgie conforme, puisque dans la Palestine