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tôt conçue ? « Un peu de philosophie éloigne de la religion, beaucoup de philosophie y ramène, » a dit Pascal. Toute proportion gardée et sauf quelque modification dans les termes, on pourrait faire une réflexion analogue sur les conséquences contraires produites, en face de certains monumens de l’art, par un examen superficiel ou par une étude approfondie. Combien d’honnêtes gens, en sortant pour la première fois de Saint-Pierre de Rome, sont tentés de s’inscrire en faux contre l’admiration universelle, ou du moins croient nécessaire de déclarer qu’après tout les détails de l’édifice ne sont pas irréprochables et qu’il y a des ornemens de mauvais goût ! Les mêmes hommes probablement se scandaliseraient d’abord de l’élégance raffinée que respirent les tombeaux sculptés par les élèves ou les imitateurs de Donatello à la Badia ou à Santa-Croce, à San-Miniato-al-Monte ou à San-Romolo de Fiesole, dans tant d’autres églises de Florence ou des villes voisines. Ils ne manqueraient pas de découvrir ce qu’il y a ici de contraire à l’expression du deuil et nous rappelleraient qu’un monument funéraire devant naturellement nous parler de la mort, c’est bien le moins qu’il n’ait pas un air de fête.

Rien de plus attrayant en effet que ces rians tombeaux. Point de ces rudes avertissemens qu’adresse ailleurs aux vivans l’effigie sans merci de la mort et de ses œuvres, point de corps déformés par les luttes de l’agonie, ni de squelettes ; nulle trace, dans l’ensemble ou dans les détails, d’une arrière-pensée amère, d’une intention lugubre, on dirait presque d’un regret. Chacun de ces poèmes en marbre semble bien moins une élégie sur la fin d’une existence terrestre qu’un hymne à la miséricorde de Dieu qui l’a renouvelée, pour en éterniser la durée dans la félicité et dans la paix. Marqué du sceau de l’élection et comme vainqueur de la mort dans son immobilité sereine, le cadavre de celui à qui le monument est dédié repose sur un lit dont de riches ornemens, des couronnes ou des guirlandes symétriquement suspendues, ont fait un siège triomphal. Dans le fond, les images de la Vierge et de l’enfant Jésus se dessinent au milieu d’un encadrement de fleurs, tandis que des anges à la physionomie fraternelle malgré la variété des types, à la beauté diverse et jumelle à la fois, soulèvent les rideaux de ce lit, livrant passage pour ainsi dire à l’âme qu’ils appellent et qu’ils désignent déjà aux regards du groupe divin. Le reste du monument complète le rapprochement entre cette vie qui vient de se clore et cette autre vie qui commence. Les armoiries du défunt, des inscriptions, rappellent le rang qu’il a tenu et la part qu’il a prise aux affaires humaines : l’agneau, la croix, les pieux symboles font allusion aux promesses évangéliques et à l’éternel repos qu’il a conquis.

Rarement, dans les tombeaux sculptés par les artistes florentins,