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l’expression pieuses, tout, dans les sculptures de cette époque, doive être justifié et absous. Sans parler de quelques distractions mythologiques un peu fortes, de quelques fautes évidentes contre les convenances et le bon sens, — comme celle que commettait Antonio Filarete le jour où il représentait sur la porte d’une église les amours de Léda et de Jupiter, — il faut bien reconnaître que les progrès dus à une étude plus attentive de la nature ou de l’antique ne se sont pas toujours accomplis à Florence sans dommage pour la sainteté de la pensée, ni même pour la gravité des intentions. On ne saurait demander aux œuvres de la sculpture florentine au XVe siècle ces leçons toutes chrétiennes, ces enseignemens au-dessus du fait et comme indépendans de la langue qui les formule, dont le mystique pinceau de Jean de Fiesole répandait le trésor à la même époque sur les panneaux des reliquaires ou sur les murs des couvens. Donatello et ses élèves pourtant prêchent, eux aussi, l’Évangile, il est vrai en prédicateurs fort soucieux du bon choix des termes et des procédés scientifiques, mais en gens pour lesquels l’expression agréable n’est pas tout, et qui ne la veulent si correcte ou si élégante que pour la rendre d’autant plus persuasive. N’y a-t-il donc qu’une manière de comprendre les sujets sacrés, qu’un moyen immuable de les traduire, qu’un ordre de sentimens, d’idées, de règles techniques, pour quiconque entreprendra de représenter une scène évangélique aussi bien que pour ceux à qui l’image est destinée ? L’art chrétien doit-il, comme autrefois l’art égyptien, se condamner au respect farouche de quelques conventions hiératiques, de quelques usages convertis en lois, et parce que Nicolas de Pise et Giotto ont admirablement interprété le dogme catholique dans le sens de la majesté et de la grandeur, interdira-t-on à leurs successeurs le droit d’en définir les autres aspects, d’en révéler les côtés moins inflexiblement sévères ? Ah ! mieux que les argumens et les paroles, vous ferez justice de cette fausse orthodoxie, vous protesterez contre ce rigorisme à courte vue, chastes anges que le ciseau de Desiderio ou celui de Rossellino a groupés comme des colombes autour de l’enfant-Dieu ou au-dessus du lit funéraire d’où une âme vient de s’envoler, — madonne que Mino da Fiesole nous montre dans le pur et mystérieux éclat de la maternité virginale ou dont Luca della Robbia a fixé sous l’émail le mélancolique sourire, — vous toutes, œuvres charmantes, œuvres pieuses par les séductions mêmes, par la grâce attendrie de vos dehors, et dont l’inspiration ne saurait pas plus être suspecte que l’éloquence exquise qui la traduit !

Qui sait d’ailleurs si, en accusant les caractères profanes de la sculpture florentine au XVe siècle, on ne trahit pas surtout l’insuffisance de l’expérience personnelle et la légèreté d’une opinion trop