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philosophie naïve et de sagesse sans parti-pris. Vasari ne se lasse pas de vanter « la bonté, l’humeur facile et cordiale, la complaisance infatigable » de celui qu’il nous montre « toujours plus occupé de ses amis que de lui-même, » pas plus qu’il ne marchande les éloges aux chefs-d’œuvre successifs de l’artiste et « à sa rarissime habileté, digne de soutenir la comparaison avec la manière accomplie des anciens statuaires de la Grèce et de Rome. »

En nous parlant à son tour du plus grand sculpteur que la renaissance italienne ait produit avant Michel-Ange, M. Perkins n’omet rien de ce qui peut en recommander le talent à notre admiration et la mémoire à nos respects. Les pages dans lesquelles il examine les travaux de Donatello et les causes de l’influence exercée par le maître sur l’art de son temps méritent d’être signalées parmi les meilleures de son livre. N’eussent-elles d’autre résultat que de réduire à leur juste valeur certains reproches dont la critique, en Allemagne d’abord, puis en France et en Angleterre, s’est faite quelquefois l’organe trop complaisant ou l’écho, elles auraient rendu à la cause de la vérité et du goût un véritable service. On n’ignore pas l’espèce de réaction suscitée contre le prétendu paganisme de l’art au XVe siècle par l’enthousiasme, si légitime d’ailleurs, qu’inspirèrent parmi nous les œuvres du siècle précédent. Un peu plus orthodoxes que de raison, des écrivains se rencontrèrent pour proclamer Giotto et ses disciples les seuls apôtres de l’art religieux, pour prononcer, au nom de la foi, la déchéance des autres maîtres, pour reléguer au moins leur génie ou leur talent dans le domaine de la pure habileté pittoresque. Survint à Londres la petite secte préraphaélite, qui, sans remonter aussi loin, proposa tout uniment de reprendre les choses au point où elles se trouvaient avant la dernière période de la renaissance, et cela, non par entraînement mystique, mais en vue de restaurer l’imitation du vrai, principe trop méconnu, disait-on, par Raphaël et ses complices. Or, puisque le préraphaélitisme, si avide de leçons naturalistes, se montrait accommodant à l’égard de l’art quattrocentista, c’est qu’apparemment il n’y trouvait ou n’y croyait trouver rien que de conforme à ses propres tendances. De ce côté encore il y avait donc, au moins implicitement, une négation de l’élément idéal et religieux dans les œuvres du XVe siècle. Avec un appel de temps en temps aux souvenirs de la réforme tentée par Savonarola, et l’indifférence ou la confiance irréfléchie de bon nombre d’entre nous aidant, les paradoxes émis depuis quelques années ont à peu près fini par faire fortune. Il semble assez généralement convenu aujourd’hui que l’art florentin contemporain des premiers Médicis n’a qu’une signification païenne et un charme tout matériel.

Nous ne prétendons pas qu’au point de vue des inspirations et de