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raffinemens, de dissertations sur le fait, le ciseau arrive à exprimer ici, non plus la sincérité et la franchise, mais le pédantisme en quelque sorte de la véracité.

À part ces exagérations assez rares pour qu’on ne puisse les signaler que dans un petit nombre d’œuvres appartenant à la jeunesse du maître, la manière de Donatello est originale sans ostentation, élégante sans afféterie, et, quand le sujet l’exige, ferme et calme jusqu’à la majesté héroïque. Pour avoir la preuve de l’habileté avec laquelle Donatello sait se préserver « de l’emphase aussi bien que de la froideur, il suffirait de voir la statue équestre de Gattamelata à Padoue, œuvre imposante et en même temps pleine d’animation, œuvre à la fois idéale et historique, qu’il faudrait regarder comme la plus belle en ce genre qu’ait produite l’art florentin, si une autre statue équestre érigée, trente ans plus tard, à Venise par Verocchio, le monument à la mémoire de Bartolommeo Colleoni, ne se recommandait par un jet de lignes au moins aussi fier, par une ampleur et une précision dans le modelé à peu près égales, et dans les formes, du cheval par une exactitude anatomique que le monument de Padoue ne présente pas au même degré. Qui sait d’ailleurs si, entre autres mérites, la statue de Gattamelata n’a pas eu celui de servir de conseil ou d’exemple pour le grand travail que, pendant son séjour à Milan, Léonard de Vinci menait de front avec la peinture de la Cène ? Le modèle de la statue équestre de Francisco Sforza, déjà achevé, et prêt pour la fonte, a été mis en pièces par les soldats de Louis XII. Tout a disparu de cette œuvre que les écrivains contemporains qualifient de « merveille, » et certes ce qu’on sait de l’artiste qui l’avait faite permet de les croire sur parole ; mais si, comme il y a lieu de le supposer, une miniature peinte sur la première page d’un manuscrit de la Bibliothèque impériale à Paris reproduit les apparences générales de la statue modelée par Léonard, on serait autorisé à dire que celui-ci avait préféré les leçons indirectes de Donatello aux enseignemens de Verocchio, son propre, maître, et qu’en combinant les lignes du monument dédié à Francesco Sforza, il se souvenait du Gattamelata de Padoue plus encore que du Colleoni de Venise.

Combien d’autres travaux de sculpture avant ou après la seconde moitié du XVe siècle ne fourniraient pas, soit dans le fond des intentions, soit dans les procédés du style, les preuves de l’influence exercée par Donatello ! Parmi les contemporains ou les héritiers du maître, quel est celui qui semble mettre en question l’excellence de sa méthode, contester aucun des progrès réalisés par lui, aucun des principes qu’il a une fois définis, sauf à en varier l’application avec un tact admirable suivant les caractères de chaque tâche et le genre d’effet qu’il s’agissait de produire ? Ce n’est assurément ni