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d’enroulemens et de rinceaux se rattachant symétriquement à une tige plantée au milieu du champ, sorte d’arbre ou de vigne symbolique dont les rameaux encadrent les histoires sacrées, qui vont ainsi, de la base au faîte, s’épanouissant comme autant de fleurs ou se nouant comme autant de fruits, à mesure qu’elles reçoivent de la sève commune la substance intime et la vie.

A qui revient l’honneur d’avoir déterminé ce simple et beau programme ? Parmi tous les sculpteurs enrôlés pour la décoration de l’édifice, quel est celui qu’on pourrait regarder comme le directeur responsable de l’entreprise, par conséquent comme l’inventeur du plan primitif, de l’ordonnance générale ? M. Perkins parle d’un certain Ramo di Paganello, dont le nom figure, accompagné du titre de « chef d’atelier » (capo loggia), dans un acte relatif aux sculptures de la cathédrale ; mais il ajoute que le séjour de cet artiste à Orvieto remonte à 1296, c’est-à-dire à une époque où les travaux de construction, commencés à peine depuis six ans[1], étaient trop peu avancés encore pour qu’on s’occupât déjà de sculpter les bas-reliefs de la façade. Il serait assez dur d’ailleurs d’avoir, à saluer le poète de cette épopée chrétienne dans ce Ramo di Parganello, sculpteur habile peut-être, mais certainement fort vilain homme, puisqu’il avait été banni de Sienne, en punition des mauvais traitemens, qu’il avait fait subir à sa femme, en attendant l’heure où il la tua. Autant vaudrait découvrir un beau jour qu’Andrea del Castagno, l’assassin du peintre Domenico, son maître, a laissé quelque œuvre comparable, pour la candeur du sentiment, aux tableaux de l’angélique Jean de Fiesole. — Est-ce à Jean de Pise, le plus considérable par ses antécédens, le plus renommé des artistes appelés tout d’abord à Orvieto, que la tâche fut confiée de choisir les sujets, d’en régler l’ordre et la succession, de préparer l’ensemble de la besogne que chacun devait partiellement accomplir ? Cela serait plus vraisemblable, mais cela n’est rien moins que démontré, et, hypothèse pour hypothèse, pourquoi ne pas s’accommoder de celle qui attribuerait à l’architecte de la cathédrale, au Siennois Lorenzo Maitani, le choix et la classification des scènes que représentent ces bas-reliefs ? Certes un pareil homme était de taille à se passer, en matière de théologie, comme en matière d’art, des secours et des idées d’autrui. L’éloquence, si profondément religieuse et si savante, du monument élevé par lui prouve qu’il eût été capable de rencontrer dans le domaine de la sculpture, hiératique les fortes et austères pensées dont ses travaux portent l’empreinte là où les moyens d’expression se réduisaient à la combinaison de lignes et de formes abstraites. D’ailleurs les documens

  1. La première pierre de la cathédrale d’Orvieto avait été posée par le pape Nicolas IV le 13 novembre 1299,