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se ressentent toutes de cette passion pour les exemples anciens qui, autant que la ferveur religieuse, a stimulé l’essor de l’art italien après le moyen âge, et dont le mot consacré, « la renaissance, » exprime très exactement les résultats, puisque le passée incarné en quelque sorte dans le présent, a commencé alors une seconde vie.

Le souvenir pieux de l’antiquité et le désir constant d’en ressusciter les formes, tel est donc le mobile principal, tel est le caractère dominant des entreprises que nous voyons se succéder dans le domaine de, l’art florentin, partir du XIIIe siècle. Suit-il de là que le mouvement se propage partout avec une égale énergie, et que tous les artistes, quels qu’ils soient, rivalisent d’abnégation pour s’assimiler les traditions d’Athènes ou de Rome ? Les faits n’autoriseraient pas, tant s’en faut, une pareille conclusion. Sans parler du caractère absolument personnel de certains travaux, on peut faire cette remarque générale, que la peinture, à Florence, garde dans sa physionomie et dans ses coutumes beaucoup plus d’indépendance que la sculpture. Tout en subissant l’influence du goût régnant, elle semble ne l’accepter qu’avec une secrète défiance au début, plus tard avec un zèle moins timide, mais assez réservé encore. Et si, comme on en recueillait récemment les preuves dans un livre recommandable par la justesse et l’élévation des aperçus[1], un reflet de la lumière antique ne cesse à aucune époque d’éclairer la marche de l’art italien, il faut avouer que, pour les peintres du moins, cette lueur est jusqu’à la seconde moitié du XVe siècle, un guide incertain ou suspect. Les arrière-pensées d’érudition, les aspirations vers le beau classique n’apparaissent guère dans les peintures des premiers temps qu’à l’état d’intentions secondaires, de simples velléités, et cela s’explique. Il s’agissait alors de réhabiliter le naturel, de débarrasser le terrain depuis si longtemps envahi par l’ivraie des conventions byzantines, et l’on conçoit que, pour opérer cette réforme, l’étude du fait immédiat, l’imitation de la réalité familière, aient dû d’abord préoccuper les esprits au détriment du reste. De là ce mélange d’analyse subtile et de naïveté, de finesse exquise et de gaucherie, qui caractérise la manière de la vieille école florentine ; de là aussi, chez la plupart des peintres qui l’ont fondée, la prédominance du sentiment individuel sur l’intention scientifique, et plus tard ces longs tâtonnemens avant de réussir, de songer même à s’emparer des grands exemples et à s’en approprier l’esprit.

Il n’en va pas ainsi de la sculpture à cette époque. Ici tous les progrès se décident simultanément ; le renouvellement de l’art, conformément à la méthode et aux traditions antiques, est tenté

  1. Raphaël et l’Antiquité, par M. À. Gruyer, 1864.