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passé d’autrui et d’enregistrer des souvenirs que l’auteur des Tuscan Sculptors pouvait dès à présent recueillir, parce qu’il ne rencontrait dans l’art de son propre pays ni les longues traditions, qui honorent le nôtre, ni les exemples qui l’obligent.

La critique toutefois n’est pas libre de s’ajourner ainsi. Il ne lui appartient pas d’attendre, pour s’exercer sur un sujet, que tel autre sujet ait été préalablement traité, et que les travaux dont elle essaiera de rendre compte se soient succédé dans l’ordre qu’elle aurait voulu : elle se subordonne au fait même de ces travaux, quels qu’en puissent être l’heure et l’objet. Si donc, en ce qui concerne l’histoire de la sculpture française, les thèmes lui manquent encore, si les occasions lui font défaut ; elle n’en doit pas moins s’associer avec empressement et participer, dans la mesure de ses ressources, aux efforts tentés pour combler d’autres vides et pour réparer d’autres oublis.


I

Lorsqu’on envisage dans leur ensemble les anciens monumens de la sculpture florentine, — et par ce mot nous entendons, conformément à l’usage, l’art ayant porté ses fruits, non-seulement sur le sol de Florence, mais sur tout le territoire qui devait être un jour la Toscane, — lorsqu’on examine cette série de travaux qu’ouvrent les austères bas-reliefs sculptés par Nicolas de Pise et qui finit avec l’époque où les élèves de Donatello ont peuplé de leurs œuvres charmantes les églises et les monastères, il n’est pas difficile de reconnaître, sous la diversité des formes, la permanence d’une doctrine unique, la fixité d’un dogme une fois révélé. La foi dans l’infaillibilité des enseignemens fournis par les débris de l’art païen, voilà ce que respire chacun de ces travaux ; l’étude scrupuleuse et l’imitation de l’antiquité, telles sont les règles que les talens ; appartenant aux générations successives s’imposent et se transmettent. Certes le mode d’application varie souvent ; les moyens d’expression se renouvellent en raison des changemens opérés dans les mœurs ou des progrès dus à l’expérience technique. Il est évident par exemple que, sous le ciseau des sculpteurs florentins, le style acquiert plus de grâce et d’élégance à mesure que l’influence des Médicis humanise et attendrit la vieille civilisation républicaine ; il est certain aussi que, sous le rapport de la correction et de la vraisemblance, la différence est grande entre les rudes images taillées dans le marbre par les maîtres des premiers jours et les figures aux contours si fins, au modelé si délicat, qu’ont signées les derniers continuateurs de la réforme. Les unes et les autres toutefois se rattachent à un même ordre d’inspirations. Elles