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jusqu’à ce que la graisse en excès ait disparu. Vient alors la deuxième préparation, dans laquelle on cherche à donner au cheval toute sa vitesse et en même temps à lui ouvrir les voies respiratoires, de manière à ce que l’air s’y engouffre sans effort. Dans cette deuxième période, les suées sont plus fréquentes, les galops plus rapides, et la nourriture plus abondante. La troisième préparation est celle qu’on donne en vue d’une course déterminée, et l’on s’attache, pour les distances et la vitesse, à mettre le cheval dans les conditions où il devra se trouver pour cette course. Enfin, quinze jours avant cette époque, on lui fait subir une épreuve réelle en le faisant lutter contre un coursier connu qui permette, par voie de comparaison, d’apprécier ses chances. Il serait fastidieux de décrire minutieusement tous les soins, toutes les précautions à prendre pour en arriver là et qui ont fait du métier d’entraîneur une véritable et sérieuse industrie. Chacun peut se rendre compte de ce qu’il faut de tact et d’habileté pour maîtriser ces animaux indociles, éviter de les surmener, soit par un excès de travail, soit par un excès de nourriture, et les présenter au poteau de départ dans de bonnes conditions. On doit comprendre également qu’un grand nombre de chevaux ne puissent supporter des épreuves aussi dures. Souvent même il arrive que le jour de la course réserve de nouvelles déceptions, et que celui sur lequel on comptait, effrayé par la foule, se refuse à courir et se dérobe au premier galop.

Pendant la course, les chevaux ne sont généralement pas montés par ceux qui les ont dressés, mais par des jockeys spéciaux qui en font leur métier. Tantôt ces jockeys sont attachés à une maison particulière, tantôt ils sont indépendans et se mettent au service de ceux qui les demandent. Sans compter ce qu’ils peuvent gagner avec les paris qu’ils engagent entre eux, les jockeys les plus habiles sont très bien payés, et quelques-uns acquièrent parfois une véritable fortune ; mais la plupart gaspillent ce qu’ils gagnent avec une insouciance extrême. Il faut d’ailleurs qu’ils soient assez honnêtes pour refuser les offres qu’on ne manquerait pas de leur faire pour les engager à se laisser vaincre, si on les savait capables de les accepter. Ce n’est là d’ailleurs qu’une honnêteté relative, puisque, sous peine de perdre leur clientèle, leur réputation doit être intacte.

Les jockeys, ne devant pas excéder un certain poids, sont généralement petits et trapus ; ils se soumettent à un entraînement semblable à celui des chevaux et s’administrent à cet effet des suées et des médecines. La création d’une race de chevaux a donc amené la création d’une nouvelle race d’hommes, mais qu’on ne peut considérer comme un perfectionnement de l’espèce. Au moment de la