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le bonheur de tomber sur un ou deux bons chevaux, ils trouvent moyen de se tirer convenablement d’affaire. L’élevage exige bien d’autres soins et bien d’autres dépenses, et ceux-là seuls qui ont une fortune considérable peuvent en courir les chances. Tous les pays n’y sont pas également propres. Il faut qu’ils soient favorables à la culture des herbages, et sous ce rapport l’Angleterre est on ne peut mieux partagée. En France, c’est la région ouest, exposée aux vents humides de la mer, qui convient le mieux. L’herbe sèche du midi donne des chevaux trop légers, et les essais entrepris dans les départements de l’est sont jusqu’ici restés infructueux. C’est dans la contrée comprise entre Nantes et Boulogne, sur une largeur de cinquante lieues, que se trouvent nos principaux haras. Celui de M. de Lagrange est à Dangu, près de Gisors, celui de M. Aumont aux environs de Caen, celui de M. Rœderer à Bois-Roussel, près d’Alençon, etc.

De tous ces haras, celui de Dangu est peut-être le plus important. La description de cet établissement, d’après un observateur bien informé[1], fera juger des autres. Le haras de Dangu, créé en 1859 par M. de Lagrange, est situé sur les confins du département de l’Eure, entre Gisors et Vernon. Dépendance du domaine et du château de Dangu, il couvre à lui seul une superficie de 223 hectares sur une colline d’où la vue embrasse la vallée d’Epte. Le château avait autrefois la forme d’un fer à cheval : les deux ailes en ont été détruites, et il n’en reste aujourd’hui que la partie centrale, qui suffit pour donner une idée des anciennes proportions du vieux château. Un parc planté de futaies séculaires et parsemé de pelouses changées en paddocks (prairies closes) entoure cette demeure ; ce parc a 100 hectares, dont 15 forment des prés réservés aux poulinières et aux poulains. Les bâtimens du haras sont simples, semblables à des fermes anglaises, comfortables et sans luxe ; les cours grandes, bien closes, couvertes d’une épaisse couche de paille, rappellent les straw-yards de nos voisins. C’est là que pendant l’hiver les poulinières et les poulains viennent jouir d’un pâle rayon de soleil. Seize boxes pour les jumens et deux autres pour les étalons composent l’établissement principal. Les poulains d’un an (yearlings) ne quittent point ces paddocks, où ils errent en liberté ; ils ne rentrent que le soir pour s’abriter dans des boxes recouvertes en chaume. Les enclos affectés aux différentes poulinières et à leur suite ont de 10 à 15 hectares. Ils sont séparés les uns des autres par deux talus et un fossé plein d’eau venant de l’Epte et où sont ménagés des abreuvoirs. Les prairies actuelles ont déjà 223 hectares, et cependant le propriétaire

  1. Gladiateur et le Haras de Dangu, par M. L. Demazy.