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l’esprit de système, mais de l’expérience. On ne se proposa pas d’emblée de façonner des chevaux remplissant telles ou telles conditions, mais simplement d’avoir des chevaux ayant les mêmes qualités que leurs parens, et par le soin que l’on mit à faire les accouplemens, on en vint à constituer une classe spéciale de chevaux particulièrement aptes à la course, et dont tous les individus, inscrits au stud-book, ont leur généalogie aussi bien établie que celle de n’importe quel grand d’Espagne ou baron prussien. Cette inscription, qui se fait sur la déclaration de l’éleveur, sauf contrôle s’il y a lieu, est nécessaire pour maintenir la pureté de la race, éviter les croisemens, et pour ne faire courir les uns contre les autres que des chevaux de même âge. Il en résulte qu’il n’y a de chevaux pur sang que ceux qui sont inscrits aux stud-books anglais, français, allemand ou belge. C’est la seule définition qu’on en puisse donner, mais elle est fondamentale.

La race anglaise n’est, on le voit, que la race arabe transformée sous l’influence des croisemens et sous celle du climat et de la nourriture. Aujourd’hui cependant cet élevage n’est plus spécial à l’Angleterre, car d’autres pays l’ont suivie dans cette voie. Les résultats obtenus par cette longue élaboration ont été tels qu’il n’y a pas un seul cheval arabe capable de soutenir honorablement la lutte contre un cheval anglais de quatrième ordre. Parmi les chevaux les plus remarquables du siècle dernier, il faut mentionner Eclipse, né en 1764, qui comptait parmi ses ancêtres Darley arabian et Godolphin. Élevé par le duc de Cumberland, il ne parut sur l’hippodrome qu’à cinq ans, mais il ne fut jamais battu et gagna onze plats royaux[1], sans compter une foule d’autres prix. Employé plus tard comme reproducteur, il rapporta à ce titre seul plus de 3 millions à son propriétaire. Il justifia pleinement sa réputation, car on compte dans sa progéniture trois cent quarante-quatre vainqueurs qui ont gagné 158,000 livres sterling (3,900,000 francs). Flying-Childers (1715), lui non plus, ne fut jamais battu. Ce fut peut-être le cheval le plus rapide qu’on ait jamais vu, car il parcourut à Newmarket, en six minutes quarante secondes, une distance de 5,717 mètres avec un poids de 57 kilog. 95, soit 14m25 par seconde, ou 52 kilomètres à l’heure. Il est vrai qu’en 1846, Surplice gagna le Derby (2,413 mètres) en deux minutes dix-neuf secondes, faisant 14m37 par seconde, et que West-Auslralian[2], quelques

  1. Les plats royaux étaient des prix pour les courses de longue haleine.
  2. West-Australian est un étalon qui avait été acheté en Angleterre par M. de Morny au prix de 80,000 francs. Lors de la vente de son écurie, il n’a été vendu que 31,000 fr. Cette dépréciation tient à ce que ses produits, remarquables dans les courses de vitesse entre chevaux de deux ans, ne montrent pas, dit-on, la même supériorité dans les courses de fond auxquelles on soumet les chevaux de trois ans et au-dessus.