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Elle me dit : « J’irai derrière,
Mon ami, ne regardez pas. »
Et puis elle défit ses bas…
Il fallait passer la rivière.

Je ne regardai… qu’une fois,
Et je vis l’eau comme une moire
Se plisser sur ses pieds d’ivoire…
Nous étions tous deux aux abois.

Elle sautait de pierre en pierre,
J’aurais dû lui donner mon bras ;
Vous jugez de notre embarras.
J’étais timide, elle était fière.

Elle allait tomber, — je le crois, —
J’entendis son cri d’hirondelle.
D’un seul bond je fus auprès d’elle…
Les tarins chantaient dans les bois.


LES ROSES.

Elle dort, c’est trop tôt, l’aube à peine se lève.
Je m’étais trop hâté, demeurons un moment ;
Allons auprès du lit nous asseoir doucement :
Même par un baiser ne troublons pas un rêve.

Mon bouquet parfumé ne vaut pas son sommeil.
Qui sait ce qu’elle voit sous ses paupières closes ?
Attendons tous les deux, aurore au doigt vermeil,
Attendons tous les deux, les mains pleines de roses.

Ah ! paresseuse, à peine on l’entend respirer ;
Sous ces voiles confus, à peine on la devine ;
À voir le fin tissu que sa peau vient moirer,
On dirait des lilas sous de la neige fine.

Ses yeux n’ont pas senti le sommeil se poser,
Sa bouche garde encor son doux pli de la veille,
Et la voilà si belle ainsi que le baiser,
Près de sa joue en fleurs, rôde comme une abeille.

Et pendant qu’aux hasards de son repos charmant
Elle offre ses bras nus et son épaule grasse,