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disposé à la payer de retour, ne doit demander qu’à l’hymen l’apaisement et le bien-être domestique dont il a besoin. Sommée de se dévouer, de se sacrifier encore une fois, Isabelle n’hésite pas : elle rompt d’une main résolue le nouveau lien qui l’attache à Mortimer, et, le conjurant elle-même de se marier, elle met à ce prix la perspective de leur réunion ultérieure. Mortimer obéit, il épouse Marian, et — seulement lorsqu’elle est sur le point de le rendre père — apprend que mistress Roger Dyneley vient de donner un héritier à son vieil époux. La date de cette naissance coïncide avec une autre date à jamais gravée dans ses souvenirs, et ne lui permet guère aucun doute sur l’inavouable paternité dont il se trouve désormais investi à ses propres yeux. Le trouble où elle le jette, les démarches auxquelles il se croit obligé, suscitent la jalousie de Marian, jalousie bizarre qui se traduit par un immense désir de connaître sa rivale, de vivre auprès d’elle, et de réconcilier pour cela son mari avec Roger Dyneley, Sur ces entrefaites et pendant une absence de Mortimer, elle donne le jour à une petite fille qui meurt au bout de quelques heures. Par un caprice assez étrange, Marian veut provisoirement cacher un désastre qui doit, pense-t-elle, lui faire tort dans l’esprit de son mari, et obtient d’une jeune femme anglaise, récemment accouchée dans le même hôtel, qu’elle lui prêtera le baby nécessaire à cette pieuse fraude. Cette étrangère (qui a de bonnes raisons pour se montrer aussi complaisante) se prête à la substitution proposée ; mais avant le retour de son époux Marian découvre la lettre d’Isabelle, et, naturellement offensée de n’avoir dû la main de Mortimer qu’à la volonté de la seule femme qu’il aimât réellement, elle prend le parti de quitter à l’improviste le domicile conjugal, avec prière expresse qu’on ne cherche pas à découvrir ce qu’elle sera devenue. Offensé à son tour de cette conduite qu’il ne peut s’expliquer, le mari qu’elle condamne au veuvage renonce en effet à poursuivre la fugitive et se décide, séance tenante, à partir pour l’Italie, où il emmène, encore au maillot, l’enfant qu’il a tout lieu de croire sienne, mais qui est en réalité la fille de Grattan Horncastle et de la compagne illégitimement associée aux destins de cet aventurier politique.

Une vingtaine d’années s’écoulent. Mortimer Dyneley revient des Indes, où il est allé représenter un des grands organes de la presse anglaise. Au moment de partir, il avait expédié sa fille à mistress Dyneley, qui, devenue veuve, s’était chargée avec enthousiasme de cette tutelle officieuse. Une institutrice a été donnée à miss Florence, et dans cette institutrice aux mystérieuses allures force nous est de reconnaître Marian. Si nous ajoutons que le beau Walter Dyneley (l’héritier de Roger) est épris de sa jeune compagne et n’a point affaire à une ingrate, nous aurons initié nos lecteurs aux