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une sorte de pardon, et tous deux se donnent rendez-vous sur les champs de bataille italiens, où le poète les perd de vue,

…….. In the rattle
Of maddened tumbrils and the reek or battle.


III

Avant d’esquisser rapidement le dessein général du roman-poème que nous regardons, malgré ses extravagances, comme le chef-d’œuvre de M. Austin, nous avons essayé de caractériser la désinvolture et la grâce du style qui lui sert de passe-port. C’est par là surtout que vivent ces conceptions discursives, où la fable proprement dite, sans cesse immolée aux caprices du poète et dépouillée du rôle principal, devient un accessoire tel quel, traité avec toute la négligence imaginable. Un beau plant de vigne, repliant et tordant ses pampres noueux, son feuillage opulent, ses vrilles flexibles autour du premier poteau venu, serait assez l’emblème de ces variations exécutées sur le thème le plus simple et le plus insignifiant. On chante ce qui ne valait guère la peine d’être dit, et si on le chante bien, la musique doit faire passer les paroles.

La prose cependant est plus formaliste que fa poésie, et ne se prête pas avec la même complaisance à déguiser, sous les luxuriances de la forme, les lacunes ou l’inanité du fond. Le roman de M. Austin, une Épreuve d’artiste, démontrerait au besoin cette vérité banale. Dans cette œuvre comme dans celles qui lui avaient frayé la voie, le talent de l’auteur se dégage encore ça et là, comme par éclairs et brusques saillies, mais sans pouvoir racheter ni déguiser tout ce qu’il y a d’artifice paradoxal, d’outrances affectées, de combinaisons hasardeuses, dans les données premières et les développemens de cette fable bizarre.

Le principal objet du romancier est de mettre en lutte avec les tendances du XIXe siècle une nature d’artiste, et, dans la pensée de l’auteur, le récit devrait tirer son intérêt de cet antagonisme, qui aboutit d’abord à une défaite, puis à une victoire signalée. Ce programme, en lui-même et dans sa généralité, n’a rien de vulgaire : reste à savoir dans quelle mesure et par quels moyens on le réalisera. Or nous devons avouer que nous en sommes réduit à de très vagues conjectures sur le rapport qui existe entre les intentions délibérées de M. Austin et les combinaisons par lesquelles il a cru pouvoir les réaliser.

Son héros, — ou, comme il le dit, sa « figure centrale, » — est évidemment Mortimer Dyneley, en qui nous retrouvons, presque