Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quérir enfin à la bonne cause l’officier qui l’avait faite captive, et le retourner contre ses anciens compagnons d’armes[1]. Il y a à Saint-Louis toute une prison pleine de ces amazones appartenant aux meilleures familles du pays. Malheureusement leurs exploits ne sont pas toujours si chevaleresques. Vous savez peut-être avec quels transports de joie elles ont accueilli les rebelles lors de leur invasion dans le Maryland, leur ouvrant les portes des maisons sans défense, leur indiquant la retraite des fugitifs, les aidant à voler de leurs propres mains. Plusieurs ont été prises sur le fait, en flagrant délit, témoin la jeune lady de Baltimore qui s’amusa avec ses chers rebelles à dévaliser dans sa chambre un pauvre chirurgien de l’armée. Cette folie furieuse des femmes est un indice expressif des sentimens secrets nourris dans les familles. La division profonde de la société dans le nord, l’unanimité au contraire de la société du sud, expliquent assez la faiblesse de l’Union malgré son million de soldats.

Quand nous voyons la carte des états du sud serrés entre les flottes et les armées fédérales, il nous semble que tout doive y être épuisé. Nous disons : Où prennent-ils des vivres ? où prennent-ils de l’argent ? où trouvent-ils encore des hommes ? Nous avons toujours devant les yeux l’image d’une ville assiégée que la famine réduit lentement. C’est une idée fausse. Bloquez donc un pays entier, surveillez donc une frontière qui s’étend de la Virginie au golfe du Mexique ! Ces raids, ces incursions hardies qui vous surprennent, sont inévitables dans des solitudes où, avec la plus puissante armée du monde, on ne peut occuper que des points clair-semés et lointains. Où trouvent-ils des vivres ? Dans les pays environnans. Chaque jour, les campagnes devenant plus désertes, ils vont chercher plus loin leur subsistance, au cœur même du pays ennemi. Où trouvent-ils de l’or ? Dans la bourse des riches des border-states, qui se ruinent pour les soutenir. — Enfin où trouvent-ils des hommes ? Dans les familles qui se déciment pour les sauver. Quant au blocus maritime, la navigation à vapeur déjoue tous les efforts des croisières fédérales. Chaque nuit, les blockade-runners, navires bas et rapides, passent inaperçus à travers la flotte, portant à l’île ; anglaise de Nassau un chargement de coton qu’ils changent en munitions de guerre. Ce commerce durera tant que les rebelles conserveront les ports de Charleston, de Wilmington et de Mobile. A l’intérieur, tant qu’ils auront une armée, il sera impossible d’empêcher leurs communications avec leurs amis du nord. On ne peut

  1. Mlle Boyd vient justement de publier elle-même le récit de ses aventures et de ses campagnes.