Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/455

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en Pensylvanie faire de la propagande, lorsqu’il trouva à Columbus la lettre de Mac-Clellan. Il s’écria : « Tout est perdu ! » et, retirant lui-même sa candidature au gouvernement de l’Ohio, s’en retourna chez lui. Il faut savoir gré au général Mac-Clellan d’un acte de franchise honnête, qui peut lui coûter la présidence ; mais sa position n’en est que plus difficile : qu’il parle, et son élection est perdue ; qu’il se taise, et son silence est pris pour une approbation de tout ce qu’on dit en son nom, sa chaîne est rivée à tout jamais.

On dit que le choix du candidat dément la plate-forme, qu’il déjouera les mauvais desseins de ses associés. On oublie que le président des États-Unis n’est pas un souverain absolu, qui puise en lui-même son pouvoir et ne doive de comptes à personne. La voix publique a déjà désigné ses ministres : on parle de Vallandigham au ministère de la guerre, de Fernando Wood au ministère d’état. Un capitaine n’est pas maître de son vaisseau avec un équipage traître ou rebelle. D’ailleurs le chef de la république est le mandataire du peuple, l’exécuteur de la volonté nationale, et, comme tel, impérieusement astreint à servir la politique du parti qui l’a élu. Enfin il n’est pas vrai que, dans sa lettre embarrassée, le général Mac-Clellan ait affirmé son droit à ne relever que de lui-même et à ne recevoir de lois d’aucun parti. Cette protestation, bonne tout au plus à satisfaire le scrupule d’une conscience loyale, ne saurait passer pour un programme politique.

La presse de Richmond est plus arrogante que jamais ; elle discute la question de savoir si elle condescendra aux prières du nord et écoutera ses propositions d’union nouvelle, ou si elle opposera un dédaigneux silence aux supplications du président yankee. Le manifeste de Chicago proposait une convention générale des délégués de tous les états, où chacun déciderait dans sa liberté souveraine s’il consentait à rentrer dans l’Union. Les journaux du sud répondent que le président des états confédérés n’a pas le droit d’ouvrir une convention internationale entre les deux peuples. D’autres pensent que la guerre est finie et qu’ils sont les maîtres. « Nous dicterons, disent-ils, les conditions de la paix. » Tous voient dans le succès des démocrates l’humiliation du nord et le triomphe assuré du sud. Voilà ce qu’on appelle la paix équitable et sans conditions !

Les deux partis se disputent les bonnes grâces de l’armée. « Je ne pourrais, dit le général Mac-Clellan, regarder en face ceux de mes braves camarades qui ont survécu à tant de batailles sanglantes et leur dire que leurs fatigues, leurs sacrifices ont été vains. » De quel côté de la balance cette puissance politique nouvelle jettera-t-elle son poids souverain ? Le général Sherman, qui depuis la prise