Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/454

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce succès signalé déconcerte les démocrates et ranime les espérances du parti national, qui déjà parle de la chute prochaine de Richmond. Ce qui n’est pas moins grave et moins favorable au gouvernement, c’est la réaction financière qui se prononce de plus en plus. Il y a une semaine, l’or était à 260 ; il était tombé hier à 218, et la baisse continuait. A Saint-Louis, il trouve à peine acheteur à 211. Peut-être cette réaction est-elle trop prompte, trop impétueuse pour être de longue durée. Elle est sans doute précipitée par la crainte des spéculateurs qui ont acheté l’or aux derniers cours et qui maintenant se hâtent de s’en de faire en se résignant à la perte actuelle pour sauver le reste. Vous verrez bientôt l’oscillation s’arrêter, et le marché ébranlé reprendre son équilibre entre les deux points extrêmes de la balance.

Cependant les républicains se rassurent ; un instant surpris par l’unanimité singulière du vote de Chicago, ils retrouvent des forces dans la division qui de nouveau commence à se glisser au sein du parti démocrate. Le général Mac-Clellan n’a pas refusé la candidature ; il n’a pas osé répudier ouvertement la politique qu’on lui a tracée, mais il y fait quelques restrictions timides, comme un homme qui n’ose pas briser la glace. Il a écrit une lettre publique où il corrige plus qu’il ne combat et interprète plus qu’il ne corrige le programme de Chicago. « L’Union, dit-il, est la seule condition de la paix. Nous ne demandons rien de plus. Laissez-moi ajouter (ce qui était, je n’en doute pas, le sentiment tacite de la convention comme du peuple qu’elle représente) que, si quelque état se décide à rentrer dans l’Union, il y sera sur-le-champ admis avec le plein exercice de tous ses droits constitutionnels. Que si un effort franc, sérieux, persévérant, pour l’obtenir échoue, la responsabilité doit en retomber sur ceux qui resteront en armes contre l’Union ; mais l’Union doit être maintenue à tout risque. »

Voilà sans doute un langage pacifique et beaucoup de circonlocutions oratoires pour arriver à une déclaration qui devrait être en Amérique le cri de tous les partis. Bien modéré serait le gouvernement qui n’exigerait du sud, pour toute réparation de la guerre civile, qu’un retour pur et simple à l’Union. Cette miséricorde ressemblerait à de la faiblesse ; mais il n’en faut pas plus pour aliéner au général les démocrates extrêmes. Les journaux copperheads commencent à lui dire des injures. Le Daily-News, organe des frères Wood, demande « un candidat fait pour la plate-forme ou une plate-forme faite pour le candidat. » Le Freeman de New-York gémit sur les infortunes du parti de la paix, réduit à mendier un candidat. George Francis Train, qui définissait les résolutions de Chicago en deux mots « battre Lincoln, » exhale en boutades pittoresques sa mauvaise humeur intempérante. Vallandigham allait