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du sud, vétéran de la rébellion dans le congrès de Washington, M. Pendleton n’a élevé la voix depuis quatre ans que pour désarmer la république et déchirer l’Union. « Laissez, disait-il à l’origine de la guerre dans un discours resté célèbre, laissez les états séparés s’en aller en paix ; laissez-les établir leur gouvernement et remplir leurs destinées suivant la sagesse que Dieu leur a donnée. » Actif, énergique, ambitieux, il semble n’avoir été choisi que pour assurer l’obéissance du président et peut-être pour lui ravir le pouvoir. Ne va-t-on pas jusqu’à dire que Mac-Clellan sera assassiné après l’élection, et qu’on fera de son corps le marchepied sur lequel la rébellion, personnifiée dans Pendleton, montera à la présidence ? Sans ajouter foi à ces bruits absurdes, je suis bien convaincu que le nom honorable de Mac-Clellan n’est qu’une enseigne mise en avant par un parti méprisé, qui espère bien trouver en lui un serviteur au lieu d’un chef.

Les journaux démocrates entonnent un chant de triomphe. On dirait, à les entendre, la vengeance d’un peuple opprimé sur un despote sanguinaire. Si quelques soldats ivres ont troublé un meeting démocrate, c’est un complot infâme des « satellites du tyran. » Quant aux membres de la convention, ce sont des héros, des Brutus, des Guillaume Tell, qui ont bravé la hache et l’épée, et fait trembler la tyrannie derrière ses baïonnettes. Leur manifeste est une « nouvelle déclaration d’indépendance, » et les « sauveurs de la république » sont aussi grands que ses fondateurs. « Il y avait, dit une feuille épileptique qui me tombe entre les mains, 200,000 couteaux et pistolets prêts à bondir de toutes les poches, brillant au soleil doré, pour se plonger dans le cœur de quiconque eût osé frapper un homme libre à cette heure solennelle. » Quand la nomination du général fut proclamée dans la convention, et son portrait élevé sur l’estrade avec sa devise : « si vous ne me rendez pas le commandement de mes soldats, laissez-moi du moins partager leurs épreuves sur le champ de bataille, » — l’enthousiasme alla jusqu’au délire ; la ville se pavoisa de portraits du grand homme. Ce furent des illuminations, des hurrahs, des pétards, des feux de joie, des discours sur la borne, tout le carnaval d’une ville américaine en saturnales politiques. Les historiens de cette « splendide journée » vont chercher jusque dans la Bible des expressions à la hauteur de leur enthousiasme. Rien de burlesque comme Moïse, les prophètes, les tyrans engloutis dans la Mer-Rouge, accoutrés en argot démocratique et jouant leur rôle dans la parade avec « old Abe » et « little Mac. » — « C’était, s’écrie le La Crosse Democrat, un écho de la voix qui s’éleva dans le ciel purifié par l’expulsion des anges déchus ; la paix est rétablie ! » et plus loin : « Pauvres dia-