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tyran, et n’aurait jamais son appui : on lui imposa silence et on le chassa de la convention. M. Long, de l’Ohio, vint à son aide, mais sans plus de succès. Ils étaient dans la logique en accusant le général d’avoir porté les armes contre le sud et en rappelant l’arrestation sommaire de la législature sécessioniste du Maryland : il y avait alors entre Mac-Clellan et les séparatistes purs et simples autant d’antipathie et plus peut-être qu’entre Mac-Clellan et les républicains radicaux. Ce choix si modéré des copperheads, cette espèce de défaite volontaire qu’ils acceptent à l’heure même où ils sont maîtres de leur parti, ne peut s’expliquer que par une arrière-pensée perfide. S’ils eussent attaqué le général, ils auraient perdu le concours des démocrates loyaux qui tenaient à se mettre à l’abri de son nom. En leur faisant au contraire des concessions habiles, ils les attirent dans le piège qu’ils leur ont dressé, ils comptent sur la fatigue de la guerre pour les ramener insensiblement à leurs desseins sécessionistes, et ils espèrent mener en laisse le président qu’ils auront élu.

Il y a chez les démocrates de toute nuance un sentiment commun : c’est la haine de l’abolition, qu’ils s’accordent à regarder comme la cause de la guerre civile. Les war democrats eux-mêmes, qui, dans la question des territoires, se prononcèrent contre l’esclavage en élevant M. Lincoln à la présidence, regrettent une politique qui les a conduits malgré eux à l’émancipation des noirs. C’est sur la question de l’esclavage qu’ils reforment aujourd’hui leur ancienne alliance avec les sudistes ; mais ils s’arrêtent là. Ils veulent que la nationalité soit maintenue, que la constitution soit remise en vigueur, et, malgré quelques dangereuses réserves relatives au droit démocratique des états, ils sont plutôt en faveur de l’Union qu’en faveur des rebelles. Tandis que les démocrates de la paix sont prêts à payer le maintien de l’esclavage du sacrifice de l’Union, les autres paieraient volontiers du sacrifice des nègres la restauration du passé. Tant que l’abolition a pu être un auxiliaire utile, la masse de l’opinion dans le nord est demeurée abolitioniste. A présent le principe de l’abolition la gêne ; le maintien, au moins provisoire, de l’esclavage paraît être la condition d’une paix dont on a besoin : l’émancipation redevient un vol, et l’esclavage un droit sacré. Il est commode pour les démocrates qui ont voulu la guerre d’en imputer tous les maux au parti abolitioniste : c’est le baudet de la fable, le bouc émissaire qu’on sacrifie de bon cœur à la colère divine. Si l’Union a péri, ce n’est pas à cause de l’énorme ambition du sud, de ses insultes intolérables, de ses anciens projets de guerre civile, mais à cause de ces émancipateurs sanguinaires qui prêchent aux nègres la révolte et l’assassinat. Le grand parti démo-