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ou seize des états comme plus propre à concilier les deux fractions du parti démocrate, retira dès le début sa candidature, et laissa le champ libre à celle de Mac-Clellan, dont le succès fut assuré.

C’est alors que les peace democrats commencèrent à faire sentir leur influence. On pouvait croire qu’ils auraient à cœur de se laver du reproche de trahison qu’ils ont encouru depuis la guerre, et qu’ils saisiraient cette occasion solennelle pour faire à l’Union une promesse d’inébranlable fidélité. Le gouverneur Hunt, de New-York, tout en recommandant l’armistice, avait en effet proposé au comité d’affirmer énergiquement le dévouement des démocrates à la cause de l’unité nationale. M. Aldricks, de la Pensylvanie, voulait déclarer que l’Union devait être « maintenue dans son intégrité. » Enfin plusieurs chefs de la démocratie modérée exposèrent la nécessité de continuer vigoureusement la guerre ; mais la clameur des copperkeads imposa silence à ces voix timides, et le délégué Long, de l’Ohio, leur répondit par une proposition insolente d’envoyer à Washington une députation sommer le président de suspendre la levée de cinq cent mille hommes jusqu’à l’élection de novembre et d’arrêter immédiatement « l’effusion d’un sang fraternel. » L’opinion dominante dans la convention était évidemment la paix à tout prix. Wood et Vallandigham dirigeaient en maîtres les délibérations et les votes. Vallandigham, élu président du comité des résolutions, allait sans doute rédiger de sa main le programme du parti ; Fernando Wood prononçait une prière larmoyante au Dieu de ses pères en faveur de la paix et de l’humanité. Toutes les séances débutaient ainsi par une prière : c’était un révérend démocrate de Chicago qui se chargeait de l’édifiante cérémonie. Il est d’usage en Amérique de mêler Dieu à toutes choses et de l’invoquer à tout propos, même en faveur des ambitions les plus humaines. Gardez-vous d’y voir l’effusion d’un patriotisme austère et exalté. Parmi ces religieux sauveurs de la patrie, l’un a soudoyé à New-York l’insurrection et l’assassinat, l’autre a passé sa vie à se vendre, ce dernier enfin est connu pour ses escroqueries. La piété de l’intègre Fernando Wood étonne et indigne bien des gens ; mais ces moralistes sévères sont presque tous des républicains : la décence, comme le reste, est affaire de parti.

Cependant les unionistes essayaient une protestation. Un war meeting, tenu à Metropolitan-Hall, resta presque vide, tandis que le wigwam regorgeait de monde et qu’une foule compacte assiégeait les séances. Les copperheads avaient le haut du pavé : ils pouvaient empêcher le choix de Mac-Clellan, ils aimèrent mieux le soutenir. Deux fois le délégué Harris, du Maryland, se leva comme un possédé pour s’écrier que Mac-Clellan était un usurpateur, un