Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette lettre est curieuse, non pas seulement comme document politique, mais parce qu’elle montre bien quelle attitude Gustave III prétendait garder envers le cabinet de Versailles et envers la personne même du roi de France : il s’offrait comme un indispensable ami et comme un habile homme d’état. C’est pourtant à cette lettre, selon toute apparence, que répondit la suivante, écrite de la main de Louis XVI et dont nous avons pu copier la minute autographe :


« 12 juillet 1784. — Monsieur mon frère, j’ai lu avec beaucoup d’attention la lettre que votre majesté m’a écrite hier. L’ancienneté des liens qui m’unissent avec la Suède me rend son alliance chère, et plus particulièrement depuis que j’ai eu le plaisir de renouveler personnellement la connaissance de votre majesté. J’espère qu’elle ne doute pas de tous mes sentimens pour elle, le papier que j’ai ordonné au comte de Vergennes de communiquer à son ambassadeur en est une nouvelle preuve ; mais votre majesté, qui fait un si glorieux usage de son pouvoir, sait que le premier devoir des rois est de soulager les peuples qui leur sont confiés, surtout au sortir d’une guerre dont les charges ont été fort pesantes, et que les circonstances alors ne permettent pas de faire tout ce que l’on voudrait pour ses alliés. Au reste, votre majesté doit être sûre de la volonté où je suis de l’assister efficacement dans les occasions où les mauvaises intentions de ses voisins feraient craindre qu’elles ne troublassent son repos. En tout temps, je la prie de ne pas douter de la vive et sincère amitié fondée sur l’estime personnelle avec laquelle je suis, monsieur mon frère… »


C’était un refus d’aller plus avant. Il paraît toutefois que, dans la journée même où cette lettre avait été écrite, le cabinet de Versailles se ravisa ; Gustave eut le soir une entrevue avec le ministre des finances, M. de Calonne, dans laquelle il dut beaucoup rabattre de la somme par lui demandée, et deux jours après, le 14, Louis XVI lui écrivit pour l’informer de l’acceptation d’un traité secret avec un secours d’argent immédiat. C’est encore une importante lettre inédite qui fait partie du même dossier.


« Versailles, 14 juillet 1784. — Monsieur mon frère, mon amitié, personnelle pour votre majesté et les liens qui unissent si anciennement nos couronnes me portant à contribuer en ce qui peut dépendre de moi à la tranquillité et sûreté de celle de Suède, j’accède avec plaisir au pacte secret que votre majesté m’a proposé. En conséquence, je lui donne ma parole que, dans le cas où elle viendrait à être attaquée, j’emploierai d’abord mes bons offices pour détourner, s’il est possible, l’agression et trois mois après je lui administrerai, soit en nature, soit par un équivalent en argent, les secours énoncée dans la note explicative que mon ministre des affaires étrangères a remise de mon ordre à son ambassadeur le 9 de ce mois, et, pour aider dès à présent votre majesté dans les réparations dont elle s’occupe pour donner plus de consistance aux forces de son état, je m’engage, indépendamment du subside annuel convenu entre nous, à lui