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et le talent des bouts-rimés, par lequel il réjouissait fort son maître et le roi. Jaloux de plaire à tout le monde, il rétablit à son usage l’ancienne coutume des éloges adressés aux fondateurs et protecteurs de l’Académie, s’étendit sur les vertus de Louis XVI et de la reine, sur les mérites de Monsieur et sur les qualités héroïques du comte d’Artois. Pour le comte de Haga, sans lever absolument le voile qui l’enveloppait, il se jeta dans le panégyrique des monarques qui voyagent pour s’instruire et ne font de la sorte, assurait-il, qu’étendre et centupler leur juste renommée. On admira l’habileté du directeur, Suard, qui, en répondant au récipiendaire, sut refaire l’éloge de Gustave sans tomber dans les redites ; La Harpe, moins adroit, loua longuement ; en présence du roi de Suède, l’impératrice de Russie ; enfin le, duc de Nivernais lut quelques-unes de ses fables, auxquelles le succès ne faisait jamais défaut. Après la séance, Gustave s’entretint quelque temps avec les apadémiciens : il avait, en de telles occasions, des mots aimables, des reparties heureuses ; les relations de son voyage en sont remplies.

Les souverains philosophes s’intéressaient à toutes les nouveautés scientifiques, et Gustave particulièrement s’en montrait avide. C’était donc, comme parle Bachaumont, un cadeau à lui faire que de lui donner le spectacle d’un aérostat. L’invention en était toute récente, puisque la première expérience datait du mois de juin 1783. La montgolfière Marie-Antoinette, montée par Pilâtre de Rosier et Proust, ornée du chiffre des deux rois et d’un brassard blanc, emblème de la révolution de 1772, s’enleva en son honneur le 23 juin 1784 dans la cour des ministres, à Versailles. Les aéronautes descendirent à terre, trois quarts d’heure après, aux environs de Chantilly. On trouva qu’ils auraient dû mieux faire :

C’était en Suède et non ailleurs
Qu’il fallait, mes braves messieurs,
Aller à tire d’ailes
Et porter des nouvelles.
Déjà vous seriez de retour,
Et vous auriez fait votre cour
À ce roi dont la gloire
Ornera notre histoire.

Une bien autre nouveauté, le mesmérisme, était en 1784 dans tout son essor : Gustave ne manqua pas de s’approcher du fameux baquet. Des visites à la manufacture des Gobelins, à la Savonnerie et à Sèvres faisaient encore partie du programme que devaient remplir les princes étrangers. Il fallait enfin connaître les promenades et jardins de Paris ou des environs, et suivre la mode là où il lui plaisait d’entraîner les goûts de la foule parisienne. Gustave suffit à tout cela. Il partageait trop les goûts de son temps, il avait