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ouvrages : Armide et les deux Iphigénies de Gluck, la Caravane de Guétry, Atis, Didon, le Seigneur bienfaisant… La Comédie-Française, cherchant ce qui pourrait surtout lui plaire, donna le Siège de Calais, le Roi Lear de Ducis, le Jaloux, le Séducteur, l’Impatient, les Rivaux amis, sans parler du Mariage de Figaro, qui précisément alors causait tant d’émotion, surtout parmi les prudes. Gustave y alla deux fois, et dit de cette pièce qu’elle était « encore plus insolente qu’indécente. » C’était la voir des mêmes yeux que Louis XVI, lorsqu’il déclarait qu’après avoir laissé jouer un tel ouvrage, il n’y aurait plus qu’à renverser la Bastille.

Après le théâtre le parlement, car les souverains philosophes-paraissaient volontiers devant cette magistrature française, à laquelle était revenue de fraîche date une réelle popularité, qui faisait entendre de fortes expressions sur les droits des peuples, mais qui n’en conservait pas moins la tradition des sentimens, des éloges, des admirations monarchiques. Gustave assista aux derniers débats d’un procès où le comte d’Artois était impliqué. M. Séguier, l’avocat-général, avant de clore les débats, parla de la sorte : « Nous sommes heureux d’avoir, en finissant, l’occasion d’exprimer notre profond respect pour un prince que la France revoit avec une joie sincère, pour un roi dont le peuple, courageux et libre, à conservé son antique honneur à travers toutes les vicissitudes. Après avoir connu les dangers de la liberté sans limites, ce peuple jouit maintenant, sous le successeur des deux Gustave et de Charles XII, d’un gouvernement sage et pacifique, également éloigné de l’anarchie et du despotisme, et fondé sur le principe le plus inébranlable, le bien public, etc. » M. Séguier continua longtemps encore sur ce ton sans risquer de déplaire au comte de Haga, qui s’empressa d’envoyer en Suède une copie de la harangue, avec ordre de l’imprimer au plus vite dans la gazette officielle de Stockholm.

L’Académie française n’était pas à négliger. Sans être précisément en veine de popularité, elle gardait une grande part du solide crédit qu’elle avait su conquérir pendant les premières années du protectorat de Louis XVI, alors qu’elle appelait Malesherbes dans ses rangs et que le grand nom de Voltaire la protégeait encore. La séance à laquelle assista le comte de Haga n’offrit d’édifiant que la multitude de louanges que la cour et Gustave lui-même y recueillirent. On recevait le marquis de Montesquiou, un des beaux esprits qui entouraient Monsieur. Le public ne lui connaissait pas beaucoup de titres, si ce n’est un petit livre sur l’histoire de sa famille qu’il distribuait à ses amis :

Montesquiou-Fezensac est de l’Académie :
Quel ouvrage a-t-il fait ? — Sa généalogie ;