Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je presse beaucoup trop le roi de se faire inoculer avec ses frères, » et voici que, dans le recueil publié à Vienne, Marie-Thérèse écrit le 1er juin : « Dieu en soit loué, que vous n’ayez rien contribué à la décision » (sur cette inoculation du roi) ! — Des dix-huit lettres de Marie-Antoinette à Marie-Thérèse que contient la volume de M. d’Hunolstein, et dont six figurent dans le premier volume de M. Feuillet de Conches, quatorze se terminent par cette formule ou ses variantes : « Je vous baise les mains, » qui se retrouve au bas de certaines lettres aux sœurs, communes aussi aux deux recueils. Vous ne la rencontrerez cependant pas une seule fois (je dis pas une) dans tout le volume de M. d’Arneth, dont les cent soixante-trois lettres se terminent toujours, sauf quelques cas où il n’y a point du tout de formule, par ce mot ou ses variantes : « je vous embrasse. » — De tels détails, qu’on pourrait multiplier, ne sont pas insignifians quand, ils se présentent avec une constance remarquable. Nos éditeurs français, en dépit de leur expérience et de leur mérite, ont pu être trompés avant la publication de M. d’Arneth ; ils ne le seraient plus aujourd’hui. C’est pour nous un nouvel avertissement qu’en des suets d’histoire presque contemporaine, comme celui qui nous occupe, les documens originaux n’étant pas encore tous réunis, il faut de préférence recourir aux collections de papiers d’état ou de familles dont les acquisitions s’expliquent par l’histoire même, seul moyen de se préserver des pièces altérées ou apocryphes[1]. telle est aussi la règle que, nous commuerons d’observer ici.


I.

On a déjà vu dans les premières parties de ce travail quelle bonne mine faisaient à la cour de France, pendant les règnes de Louis XIV et de Louis XV, les ambassadeurs suédois. On peut les revoir encore aujourd’hui à Versailles, dans les grands et beaux portraits du temps, où ils sont peints en buste ; par Largillière et d’autres, en riche costume de cour. Ils avaient des mots heureux, comme ce Sparre à qui Louis XV disait, dans un grand dîner, en 1716 : « Monsieur de Sparre, vous n’êtes pas de la même religion que moi ; j’en suis fâché,, j’irai un jour au ciel et je ne vous y trouverai

  1. C’est ainsi : que. M. Feuillet de Conches, a dû les plus, précieuses séries de son recueil aux archives de Vienne et de Stockholm. Son troisième volume empreinte particulièrement aux archives de Suède une suite de pièces dont je sais tout le premier la valeur, les ayant depuis longtemps moi-même, avec beaucoup d’autres papiers inédits, dont les dernières parties de cette étude vont me permettre l’emploi. De ces documens- là personne ne contestera l’authenticité, ni, dès, qu’ils offriront, un ensemble complet, l’importance historique.