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ce récit a remplies d’admiration doivent se résigner à le rayer de leurs papiers. Il y a erreur dans les chiffres, ou l’expérience a été mal rapportée ; mais le résultat que l’on énonce est tout à fait inadmissible. Peut-être faut-il renverser les deux nombres cités, peut-être Blanchard s’enlevait-il, lui et son appareil, à l’aide d’un contre-poids de cent quatre-vingt livres. Il aurait alors volé « au dixième, » et on serait encore en droit de regarder ce fait comme très remarquable, puisque l’homme ne peut guère réaliser un vol soutenu « qu’au vingt-quatrième. » Que si par hasard Blanchard recevait en partant une impulsion qui faisait à elle seule la plus grande partie du travail, c’est là une circonstance qui vicie l’expérience et lui ôte toute valeur. On assure du reste que les plans et les mémoires de Blanchard existent, et qu’on pourrait à peu de frais reproduire exactement sa tentative ; nous ne craignons pas cette épreuve pour nos assertions. Blanchard, qui était un fort habile mécanicien et qui avait construit, chose merveilleuse pour son temps, une voiture marchant sans chevaux, renonça à son bateau volant dès qu’il connut, en 1783, l’invention des frères Montgolfier ; il acquit plus tard un grand renom par ses ascensions aérostatiques.

Après avoir présenté sous leur vrai jour les expériences de Blanchard nous avons à peine besoin de mentionner Degen, constructeur allemand, qui vers 1808 reprit à Vienne les travaux du mécanicien français ; Degenr mettait en mouvement, à l’aide de leviers, des ailes de vingt-deux pieds d’envergure. On assure qu’il parvint à perdre terre en Allemagne ; Quand il vint à Paris, en 1812, pour y montrer publiquement son système, il annonça qu’il partirait de l’École militaire et volerait jusqu’aux hauteurs de Chaillot ; mais il ne fit autre chose que s’attacher avec ses ailes sous un aérostat, et faillit être assommé au Champ-de-Mars par la multitude, irritée contre l’inventeur, qui ne donnait pas un spectacle conforme à son programme. Sans qu’il soit utile d’insister plus longtemps sur ce sujet, on aura pu déjà comprendre que l’homme doit renoncer, absolument à voler à l’aide de sa seule force. Aussi ne laissons-nous pas d’être étonné d’une décision prise par la Société d’encouragement pour la locomotion aérienne, décision qui se trouve mentionnée dans le rapport du conseil d’administration lu aux sociétaires le 3 février 1865. La société, dont les ressources financières sont si bornées qu’elle n’a pu jusqu’ici faire aucune expérience, a décidé que les premiers fonds dont elle disposerait seraient affectés à la construction d’un appareil présenté par M. de Groof et basé sur l’emploi de la force humaine. Le rapport loue M. de Groof d’avoir présenté à cet égard un projet « sans lacunes ».

Si l’homme ne peut pas voler à l’aide de sa seule force, comment