Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’épargne. Chacun de ces clubs se compose de membres honoraires et de membres participans. les premiers contribuent à l’œuvre pour une somme quelconque dont ils ne retireront jamais aucun avantage personnel : c’est de leur part un don volontaire ; les seconds reçoivent au contraire en nature la valeur de leurs cotisations, et de plus ils bénéficient de la générosité des autres, En invitant ainsi les pauvres à coopérer avec les riches, on peut soulager la misère sans blesser la dignité humaine[1]. Les ouvriers agricoles retirent de ce système d’association plus d’un genre d’avantages : le club, achetant en gros et donnant les marchandises au prix, coûtant, peut les procurer à meilleur marché que la boutique. Ces résultats matériels sont encore peu de chose, comparés aux habitudes d’ordre et de prévoyance que de telles institutions gravent dans le caractère des ouvriers agricoles. Il y a bien dans la caisse du club une partie des fonds versée par l’aumône ; mais cette aumône n’humilie point celui qui la reçoit, car à côté de ces dons se trouve le fruit personnel du travail et de l’économie. Le pasteur utilise volontiers dans ces œuvres de charité le ministère des femmes. Ses filles donnent bravement l’exemple et sollicitent autour d’elles le patronage des riches. Tous les clergymen que j’ai consultés attribuent le succès de ces associations à l’absence du principe d’autorité. D’abord il ne faut pas que l’état s’en mêle, car il gâterait tout ; la surveillance même du pasteur doit en quelque sorte se voiler derrière l’organisation du club. Il est bon qu’il se tienne à l’écart, qu’il laisse les pauvres administrer eux-mêmes leurs affaires et qu’il les accoutume ainsi à l’exercice de leurs droits. Diriger n’est point gouverner ; et il y a là une nuance délicate qu’il ne faut jamais perdre de vue dans la pratique. La science de faire le bien exige donc de la part du parson des lumières et de l’expérience ; il est facile de donner, mais un secours matériel n’a souvent d’autre effet que d’appauvrir l’homme qui le reçoit en lui enlevant la confiance en lui-même. Tout ce qui tend au contraire à relever l’individu, à accroître sa force morale, à lui communiquer la notion juste de ses intérêts, est autant d’ajouté à ses moyens de vivre. La vraie

  1. Dans le village sur lequel ont porté particulièrement mes observations, et qui embrasse une population de dix-sept cents habitans, le club à charbon (coal club) avait reçu en argent du 1er mars 1863 au 1er mars 1864, 85 liv. aterj. 18 sh. 6 d. (2,147 fr. 50 c), et il avait à peu près distribué la valeur de cette somme en charbon de terre aux ouvriers des champs. Le club aux vêtemens pour les adultes (adult clothing club) avait contribué pour plus de 80 liv. sterl. (2,000 fr.) à la toilette des hommes et des femmes. Le club aux vêtemens pour les enfans (children’s clothing club) avait fourni pour 22 liv. sterl. (550 fr.) d’habits à ceux dont il est dit dans l’évangile : Sinite parvulos venire ad me. Le club aux souliers (shoe club) a délivré dans cette même année cent quarante-huit chaussures après avoir reçu en dépôts et en souscriptions la somme de 31 liv. sterl. (775 fr.).