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l’intérieur du presbytère au même titre que son mari est le ministre de l’église, institutrice des plus jeunes enfans, elle multiplie en quelque sorte les faibles ressources du living. Et puis comme elle se plie de meilleure grâce que lui aux dures nécessités de l’infortune en acceptant quelquefois un bienfait ! Tandis que l’ancien élève d’Oxford ou de Cambridge cherche à couvrir son dénûment sous la gravité digne et raide d’une âme stoïque, comme elle glane volontiers dans le champ de l’église les quelques gerbes échappées de la main des riches ! Après tout, n’est-elle point mère et ne doit-elle point songer à ses enfans ?

On a proposé divers systèmes pour effacer, du moins en partie, cette grande inégalité entre les revenus des bénéfices. Il suffira de dire ce qui existe. Des fonds désignés sous le titre de Queen Anne,s Bounty, et formés de l’impôt ecclésiastique sur les premiers fruits de la terre, ont été institués même avant la reine Anne pour accroître les ressources de certaines cures. Les administrateurs de ces fonds (governors of the Bounty of Queen Anne), pour la plupart dignitaires de l’église anglicane, accordent une compensation aux petits bénéficiers recevant moins de 200 Iiv. sterl. par an. Diverses sociétés appuyées sur un système de contributions volontaires Viennent d’un autre côté au secours du clergé malheureux[1]. Enfin une commission ecclésiastique s’est formée dans ces dernières années pour ouvrir dans l’église elle-même une nouvelle source de revenus et pour améliorer ainsi la situation des vicaires de campagne. Dans chaque diocèse, les évêques, les doyens et les chapitres possèdent de temps immémorial de grands biens consistant surtout en terres. D’après une ancienne coutume, ces terres étaient affermées pour un certain nombre de vies d’homme, le plus souvent trois. Le premier de la série des tenanciers payait à son entrée une grosse somme d’argent connue sous le nom d’amende (fine), et une petite somme annuelle était ensuite servie pendant toute la durée du bail. De cette manière, les membres des grands corps ecclésiastiques, vivant à l’époque où le contrat s’était formé, avaient été favorisés au détriment de leurs successeurs. Ces derniers pouvaient bien, il est vrai, jouir du même avantage, s’ils avaient le bonheur de survivre aux termes du bail ; mais il faut naturellement

  1. L’une de ces sociétés célébrait dernièrement son deux cent onzième anniversaire présidé par le prince de Galles, festival of the sons of the clergy (fête des enfans du clergé). Elle assiste par an douze cent cinquante personnes, parmi lesquelles sept cent douze veuves ou filles d’ecclésiastiques. Il y a aussi the poor clergy relief society (société de secours pour le pauvre clergé), dont le secrétaire, le révérend W. G. Jervis, publia en 1861 un rapport navrant et plein de faits authentiques sur l’extrême misère de quatre cents clergymen appartenant à l’église d’Angleterre.