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sacerdoce. Le séjour dans les universités offre d’ailleurs plus d’un avantage : l’aspirant aux ordres religieux peut avoir coudoyé sur les bancs des classes Byron, Shelley, Stuart Mill : il a vécu au milieu des libres esprits et des libres études. Là, aucune pression, morale ne détermine son choix, et c’est volontairement qu’il embrasse la carrière du clergé. Il n’est point de ceux qui, séparés du monde dès l’enfance, apprennent à maudire le siècle qu’ils ignorent et le fantôme d’une société qui leur apparaît à travers les terreurs de la conscience. Jusqu’ici, ses études n’ont guère été que littéraires ; pourtant l’évêque exige de lui, outre le diplôme de bachelier ès-arts, un certificat constatant qu’il a suivi les cours du professeur de théologie à l’université. Pour le reste, rien ne le distingue à l’extérieur des autres étudians auxquels il s’associe, et ses habitudes ne ressemblent en aucune façon à celles d’un séminariste. Après avoir pris ses degrés, le candidat aux ordres se prépare à soutenir l’examen de l’évêque. À moins qu’il ne soit agrégé de quelque collège, fellow, il cherche en même temps un recteur ou un vicaire qui veuille bien le nommer son curé (curate) dans le cas où il serait admis à faire partie du clergé. Ce recteur ou vicaire signe alors un papier qu’on appelle tille for orders (titre pour recevoir les ordres), et sur lequel se trouve spécifié le chiffre des émolumens (stipend) attachés à la fonction. C’est ordinairement 80 liv. sterl. (2,000 fr.) par an ; il est rare dans tous les cas que la somme excède 100 liv. sterl. (2,500 francs). Il y a même des bénéficiers (incumbents) qui n’aiment point du tout à délivrer ces sortes de titres, d’abord parce qu’ils s’obligent ainsi à essayer des hommes nouveaux, et ensuite parce que durant les deux premières années de son noviciat un tel curé est seulement diacre et ne peut en conséquence administrer le sacrement de la communion, ou, comme on dit ici, le souper du Seigneur (our Lord’s supper)[1]. On en trouve pourtant qui en vue des intérêts de l’église ou pour toute autre cause consentent à faire ainsi l’apprentissage du jeune ministre. Muni de son degré universitaire, de son titre pour recevoir les ordres (tille for orders) et d’un certificat de bonne conduite durant les trois dernières années qui ont précédé sa demande, le candidat se présente enfin devant l’évêque, qui l’examine en grec, en latin et en théologie. S’il sort vainqueur de cette épreuve, il reçoit des mains du chef spirituel, du diocèse un brevet (licence) qui l’autorise à officier comme curé sous les ordres de celui qui l’a engagé pour deux ans. À l’expiration de ce terme, il a beaucoup appris dans ses visites aux pauvres

  1. L’usage de l’église anglicane est d’ordonner les diacres à vingt-trois ans et les prêtres à vingt-cinq.