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L’origine de ce droit de patronage est facile à saisir. La nomination des ministres du culte appartenait autrefois à l’évêque du diocèse ; mais plus tard le lord du manoir ou tout autre grand propriétaire, non content d’ériger une église à ses frais, détachait volontiers de ses domaines une portion de terre qu’il affectait pour toujours avec les dîmes à l’entretien du prêtre résidant. L’alliance intime de l’aristocratie et du clergé n’est nulle part plus fortement indiquée que dans la Grande-Bretagne : on peut en juger par le nombre de villages dans lesquels à une portée de fusil de l’église s’élève le château. La destinée de ces deux édifices a été bien différente : le château en ruines a presque disparu sous le lierre et la ronce ; l’église est demeurée debout et toujours jeune, protégée par la foi des habitans. Un air de famille dans les traits de l’architecture proclame néanmoins entre l’un et l’autre une communauté ! d’origine ; ils sont bien frère et sœur. Pour encourager le zèle des seigneurs laïques à construire des églises et à les doter largement, les évêques accordèrent jadis au fondateur et à ses héritiers le droit de choisir eux-mêmes le ministre de ta paroisse. Les choses se passaient ainsi du temps où l’Angleterre était catholique, et la réformation n’y a presque rien changé. L’église anglicane est restée dans sa constitution matérielle une branche de la féodalité, Aujourd’hui uni bénéfice vient-il à être vacant, trois personnes entrent en scène pour le remplir, — le patron de l’église, le clerc et l’évêque. Le patron est censé le descendant ou le substitut des anciens fondateurs, et à ce titre, jouit du privilège de présenter à l’évêque du diocèse, en cas de vacance, l’ecclésiastique (clergyman) qu’il juge capable d’occuper le bénéfice confié à sa tutelle. Ce privilège s’appelle advowson (d’advocatio), parce que celui qui l’exerce est tenu en conscience de protéger les intérêts de l’église et ceux du futur bénéficier. Le clerc est l’ecclésiastique recommandé par le patron. Quant à l’évêque ou ordinaire, son rôle se borne le plus souvent à enregistrer la demande par écrit que lui adresse le protecteur laïque de j’église. Il a bien, il est vrai, vingt jours pour réfléchir et pour examiner les titres du candidat ; il peut même à la rigueur le refuser, mais il est obligé, dans ce cas, de dire pourquoi il refuse (quare impedit). Les motifs sur lesquels s’appuie son rejet peuvent ensuite être attaqués devant les tribunaux par le patron ou par le clergyman repoussé. La cause est alors déférée devant la cour des plaids communs (court of commun plays), et décidée en dernier ressort par le jury.

Le pouvoir des évêques, en ce qui regarde la nomination aux bénéfices, n’a donc rien de discrétionnaire ; c’est un frein, si l’on veut, aux envahissemens du favoritisme et aux manœuvres intéressées des laïques ; mais il arrive très rarement que l’ordinaire exerce