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mentaire ; les candidats ont dû fournir à ce sujet des explications précises et dans beaucoup de cas prendre des engagemens. Les incidens politiques qui avaient servi de prétexte à un atermoiement n’existent plus ; en Europe, les difficultés graves ont disparu, et les chancelleries n’échangent que des notes insignifiantes depuis le triste abandon de la Pologne et du Danemark. En Amérique, la guerre civile a heureusement cessé, et les susceptibilités de puissance à puissance y sont contenues par les ruines à réparer ? L’Inde est florissante et tranquille ; ses finances, grâce au coton, n’ont jamais été sur un meilleur pied. Dégagée des soucis extérieurs, l’Angleterre a donc une heure de pleine trêve pour réfléchir à son mécanisme constitutif et y apporter telles modifications qu’il lui conviendra avec une entière liberté d’esprit.

Les partis, sur cette question de réforme parlementaire, sont tous liés par des promesses dont il leur serait bien difficile de se dégager ; Ni lord Derby ni lord Russell n’en ont contesté la nécessité ; tous deux ont déclaré à diverses reprises qu’ils avaient leurs plans et qu’ils en saisiraient les communes dès que l’opinion publique s’y montrerait moins indifférente ; M. Bright a aussi le sien, et l’a introduit dans le parlement par voie de motion. Entre ces plans connus ou inconnus, il y a nécessairement de grandes distances ; mais le mot de réforme leur est commun, et c’est déjà beaucoup ; il s’agit toujours d’avancer plus ou moins, de porter la hache dans des privilèges caducs d’où la vie se retire pour faire place à des droits plus légitimes et doués de plus de vie. Une répartition plus équitable des sièges au parlement, telle est la formule qui prévaut à travers des modes variés et des intentions qui ne sont pas toutes sincères. On convient d’ailleurs qu’avec les déplacemens de la richesse et de l’activité la représentation du pays ne peut pas rester seule immobile. Il semble qu’il est temps d’agir ou du moins de préparer le terrain pour l’action. La chambre qui vient d’être être nommée serait ainsi appelée à abréger elle-même l’exercice de ses pouvoirs par un changement dans les conditions de son mandat, et à ouvrir aux institutions en vigueur un lit plus large et mieux approprié au temps où nous vivons.

Cette circonstance ajoute un intérêt de plus à une épreuve qui est toujours critique. Aussi les projets ne manquent-ils pas. Nous avons sous les yeux celui de M. David Chadwick, nous verrons bientôt en quoi il consiste ; mais ce qu’il a de plus précieux pour nous, ce sont des tableaux très exacts de la composition de la chambre des communes, rapprochée du chiffre de la population et de celui du revenu territorial. On voit ainsi d’un coup d’œil les disparates qui règnent dans la distribution des sièges et les inégalités qui de comté à bourg et de bourg à ville altèrent l’équilibre du droit de suffrage. C’est le legs des anciens temps qui s’en va lambeau par lambeau, mais qui n’en demeure pas moins le canevas sur lequel toutes les réformes s’opèrent.

L’acte de 1832 avait porté à ce régime des atteintes profondes qu’il est bon