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recevant une situation compromise, le cabinet O’Donnell, à bien plus forte raison, avait à le faire après le ministère du 16 septembre : réparer, pacifier. De là ce programme des premiers jours, tout tracé par les circonstances, puisé en quelque sorte dans les fautes de la veille : amnistier encore une fois les journaux poursuivis, retirer immédiatement les lois répressives sur la presse et proposer l’établissement du jury, faire cesser l’exil de quelques généraux, rétablir la municipalité de Madrid dissoute après le 10 avril, rendre à ses fonctions le recteur destitué, M. Montalvan, désavouer les doctrines d’état dans le haut enseignement. Et tout comme après le 16 septembre 1864 il y avait eu un apaisement, après le 21 juin 1865 il s’est produit une trêve, — non, certes, une paix sans orages et sans luttes intimes, mais un acheminement à un régime moins menacé à travers des difficultés toujours renaissantes.

Deux faits ont servi jusqu’ici à caractériser plus particulièrement cette phase nouvelle de la politique à Madrid : la reconnaissance du royaume d’Italie, qui dégage l’action extérieure de l’Espagne, et une réforme électorale qui est, si l’on me passe le mot, un coup de fouet donné à la situation actuelle, qui tend à dissoudre, à renouveler en même temps les cadres d’une représentation étroite et dépendante par l’extension du droit de suffrage et par un système de circonscriptions plus larges. Si la reconnaissance de l’Italie n’avait eu qu’un caractère international, sans doute elle aurait gardé toujours encore l’importance d’un acte faisant disparaître une anomalie bizarre, remettant la diplomatie espagnole au pas des événemens européens, rapprochant deux nations liées par les souvenirs du passé aussi bien que par les intérêts contemporains. La vérité est que dans les conditions actuelles, telle qu’elle se présentait, cette question des rapports avec l’Italie n’avait plus seulement une importance extérieure, elle avait encore et par-dessus tout un caractère intérieur ; elle était devenue la pierre de touche des partis. Ni le général O’Donnell pendant son premier ministère, ni le général Narvaez à son passage plus récent au pouvoir, n’avaient osé, il est vrai, aborder résolument la difficulté ; ils s’étaient arrêtés parce qu’ils se trouvaient en face d’une multitude de scrupules, de susceptibilités, d’inquiétudes religieuses, de craintes dynastiques, de préjugés habilement excités. L’un et l’autre cependant avaient senti que la reconnaissance de la-révolution italienne se liait intimement à tout essai de gouvernement libéral. Aussi le général Narvaez ne s’était-il point montré dès l’origine opposé en principe à cette reconnaissance, et le général O’Donnell s’est-il hâté, dès sa rentrée au pouvoir, de l’inscrire dans son programme.

Pour une politique libérale en effet, c’était une nécessité d’en