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prix tel que, pour avoir 600 millions effectifs, il a dû assumer la charge d’une dette perpétuelle de 1 milliard 400 millions. — Un milliard 400 millions ajoutés à la dette, sans compter 300 millions de billets hypothécaires qui ne trouvent pas de souscripteurs et qui vont s’abattre sur les contribuables, ainsi marchaient les finances sous l’heureuse administration de M. Castro ! Et ce que j’en dis du reste n’est que pour montrer comment les finances à leur tour payaient la rançon d’une politique de lutte et de répressions à outrance.


IV

Ainsi engagée et devenue en quelque sorte la proie d’une fatalité qu’elle se créait de ses propres mains, cette politique n’était plus assurément la même qu’aux premiers jours ; elle changeait à vue d’œil, elle subissait cette espèce de métamorphose que décrit si merveilleusement Jocrisse lorsqu’il trouve dans une cage un chat qui vient de dévorer un serin, et qu’il explique à son maître que l’oiseau est devenu un chat. En un mot, elle se transformait absolument. Et voyez comme les conséquences de deux politiques se dégagent invinciblement dans l’ensemble de la situation d’un pays ! Au premier moment, le ministère a l’air de se rallier à un système de libéralisme sincère et pratique ; il commence par des actes qui sont plus que des promesses, qui paraissent inaugurer une ère nouvelle. Il semble vraiment porter au pouvoir un esprit d’équité et de tolérance, une bonne volonté sérieuse, et tout aussitôt l’apaisement se fait sentir, la situation se détend, une certaine confiance renaît. Le pays ne demande pas mieux que de suivre un pouvoir décidé à relever la direction des affaires sans violenter l’opinion, en marchant au contraire d’intelligence avec elle. Les partis, sans désarmer entièrement, sont déconcertés et impuissans ; les plus hostiles se bornent à une incrédulité ironique : ils craignent que cela ne dure. Toutes les difficultés n’ont point disparu, il s’en faut ; mais la première condition pour les résoudre est à demi réalisée, — la paix, — et c’est M. Gonzalez Bravo lui-même qui le constate, comme le signe de l’influence heureuse d’une administration conciliante. Changez la politique, laissez entrevoir le réveil de l’esprit de réaction, et tout change aussitôt. Le malaise reparait, les animosités se ravivent, les partis reprennent leurs armes envenimées en retrouvant des griefs. Les inquiétudes et les méfiances se traduisent par des accidens lugubres, comme ceux du mois d’avril. Le trouble pénètre dans le parlement lui-même et conduit aux scènes les plus violentes entre M. Rios Rosas et le gouvernement, entre M. Alejandro Castro et un membre de l’union libérale, M. Ar-