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Narvaez, dans son dernier ministère, avait eu la faiblesse de couvrir de son autorité. On ne pouvait mieux avouer une erreur. Dans un autre ordre d’idées, la question de la reconnaissance de l’Italie, sans avoir été précisément posée, avait été du moins abordée. Le ministre d’état, M. Llorente, était pleinement favorable à la reconnaissance, le président du conseil n’y était pas absolument opposé, et la question n’était ajournée que parce qu’on voulait connaître la signification réelle qu’allait recevoir des explications des gouvernemens ou des discussions des chambres à Turin et à Paris la convention du 15 septembre, signée en ce moment même entre la France et l’Italie. Le principe de l’abandon de Saint-Domingue était accepté, d’autant plus aisément que c’était une mauvaise affaire de l’union libérale. La nécessité d’en finir pacifiquement avec le Pérou, sans prolonger cette absurde et ruineuse aventure, était entièrement admise. Enfin le ministre des finances, le plus embarrassé de tous, M. Barzanallana, était bien obligé pour vivre de recourir encore à des expédiens, à des emprunts, à des négociations avec la banque, avec la caisse des dépôts, avec les capitalistes ; mais il mettait déjà la main à l’œuvre, et il rassemblait tous les élémens d’une liquidation sincère qu’il était décidé à soumettre aux chambres en leur demandant les moyens de rétablir la situation financière de l’Espagne.

Un souffle de bonne volonté libérale semblait donc animer ce commencement d’un ministère. Et le premier résultat, c’est qu’immédiatement la dangereuse tension de la veille cessait. Il y avait une sorte d’apaisement dans les esprits. Les journaux retrouvaient le droit de respirer et de parler, et il ne s’ensuivait vraiment aucune révolution. Ce qui semblait peu de jours auparavant une grosse difficulté, — par exemple la rentrée de la reine Christine, — devenait tout simple. Les élections se faisaient assez librement, peut-être plus librement qu’elles ne s’étaient jamais faites. Il y avait du calme dans le pays et un ; certain désarroi dans les partis réduits à murmurer sans oser éclater encore, comme les néo-catholiques et les conservateurs timorés, ou à battre des mains, comme tous les esprits libéraux, sincères et indépendans des coteries. Les. progressistes seuls, un moment déconcertés, mais clairvoyans comme des adversaires, affectaient de se tenir en dehors et se réfugiaient dans un doute ironique en répétant sans cesse dans leurs polémiques ou dans leurs discours : Attendez, attendez ! Ce n’est que le commencement, ce n’est pas encore le vrai Narvaez ; laissez passer quelques jours, vous verrez reparaître le Narvaez véritable, tel que nous le connaissons, celui dont la présence au pouvoir se manifeste toujours par ces signes infaillibles, les rigueurs contre la presse, les lois ré-