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propres et son caractère particulier ; elle tient à des accumulations de déficits, à des excès de dépenses, à des opérations mal calculées et ruineuses de trésorerie, aux sacrifices imposés par des erreurs de politique qui se paient toujours. Je ne voudrais pas entrer ici dans de trop minutieux détails : qu’il me suffise de résumer cette situation financière de 1864 dans deux chiffres. Les déficits accumulés du budget ordinaire s’élevaient à plus d’un milliard de réaux ; le déficit du budget extraordinaire constitué particulièrement depuis 1850 montait à près d’un milliard. Ce dernier provenait de ce qu’un ensemble de crédit de 2 milliards 800 millions de réaux votés, par des lois successives de 1859, 1861 et 1863 et destinés à s’échelonner sur un espace de huit années, avaient été en réalité dépensés beaucoup plus vite. Sans doute ce budget extraordinaire avait et a toujours pour garantie le produit d’une certaine quantité de biens nationaux affectés à cet ordre de dépenses ; il ne restait pas moins pour le moment un découvert considérable qui, en se joignant aux découverts du budget ordinaire, formait un beau déficit de plus de 2 milliards de réaux, — chiffre équivalant au budget d’une année !

Jusque-là et pendant plusieurs années, le gouvernement avait pourvu à tout de deux façons principales : il avait combiné toute sorte d’opérations avec la banque d’Espagne pour en avoir de l’argent, et il s’était servi au-delà de toutes mesure des sommes confiées à la caisse des dépôts et consignations ; au mois d’août 1864, l’état devait à cette caisse quelque chose comme 1 milliard 600 millions et plus. Malheureusement, en transformant ces deux institutions en agence, en succursales ou pourvoyeuses du trésor, il les avait mises à une dangereuse épreuve, il avait exposé la banque à suspendre ses paiement en espèces par un refus plus ou moins déguisé de l’échange de ses billets, et la caisse des dépôts à ne pouvoir rembourser aux déposans les sommes qu’elle avait reçues : c’était ce qui avait eu lieu déjà et ce qui causait une véritable perturbation. Comment se tirer de là ? Procéder par une augmentation d’impôts ! Il sera certainement possible d’obtenir beaucoup plus des forces contributives de la Péninsule le jour où il se trouvera un ministre assez hardi pour mettre la main à de larges et intelligentes réformes économiques, jusqu’ici ce ministre ne s’est pas trouvé. Il ne restait donc qu’un moyen, le crédit ; mais les sources du crédit intérieur étaient épuisées. Si d’un autre côté le gouvernement portait ses regards au-delà des frontières de l’Espagne, il trouvait tous les marchés étrangers fermés, impitoyablement fermés à toutes ses valeurs nouvelles depuis 1861, depuis qu’il a refusé d’en venir à un arrangement avec cette classe de créanciers connus sous le