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opinions une sorte de camp nouveau où pussent se rencontrer les hommes sincères de tous les anciens partis, modérés et progressistes. Malheureusement ce qui était une idée à l’origine est devenu un expédient fondé sur une large satisfaction d’intérêts personnels bien plus que sur une raison politique. C’est par là que l’union libérale a péri une fois, c’est par là qu’elle est encore menacée aujourd’hui. Ainsi s’explique cette succession de ministres naissant et mourant un peu au hasard, faibles devant la couronne, faibles devant le pays, forts uniquement du prestige d’un chef militaire ou de cette force factice que donnent des chambres créées ; à l’image de chaque cabinet. De là encore cette situation troublée tout à la fois par l’abstention des uns, par les efforts confus, des autres, par la fantaisie de tous, atteinte de cette débilité intime et profonde qui fait de la politique comme un terrain miné et aminci, toujours près de s’effondrer dans une révolution. Et à mesure que cette crise des partis se déroule, ce n’est plus seulement la difficulté de composer un ministère qui grandit, c’est la monarchie elle-même qui se découvre, qui s’engage corps et biens, et devient peut-être l’enjeu de ces agitations stériles.


I

Je viens aux faits, qui ne sont que la traduction sensible et palpable de cette incohérence morale au bout de laquelle est peut-être une révolution nouvelle. Au commencement de 1863, une administration de l’union libérale, présidée par le général O’Donnell, duc de Tetuan, vit encore ; mais elle est déjà mortellement atteinte : elle s’en va par morceaux dans une série de crises partielles ; elle périt pour n’avoir rien fait pendant cinq ans, pour s’être bornée à vivre, harcelée par ses adversaires naturels, progressistes et modérés, abandonnée par quelques-uns de ses amis qui l’accusent d’avoir compromis l’idée même qu’elle personnifie, et laissant en définitive un amas de difficultés politiques et financières. À ce moment, l’union libérale semble bien ruinée. Pour qu’elle redevienne possible, il faut évidemment ou qu’elle se retrempe dans la retraite ou que d’autres viennent lui rouvrir le chemin du pouvoir par leurs fautes. C’est là justement ce qui arrive. A dater de la chute de l’union libérale, en moins de deux ans, trois ministères se succèdent, le ministère Miraflorès, le ministère Arrazola, le ministère Mon, tous plus ou moins modérés d’origine et de tendances, tous inscrivant plus ou moins sur leur drapeau ces mots de conciliation et de légalité constitutionnelle, tous aussi aspirant à se faire une vie propre et distincte, mais ne réussissant en fin de compte qu’à