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forma le gaz oléfîant ; en combinant celui-ci avec les élémens de l’eau, il obtint aussitôt l’alcool. Il ne suffisait pas cependant d’avoir fabriqué quelques-unes des matières constituant le premier ordre des substances organiques ; il fallait encore en établir la génération mutuelle, montrer comment l’on pouvait passer de l’une à l’autre, en un mot retrouver bien nettement par la synthèse les divers échelons qui mènent à ce qu’on pourrait appeler le premier étage des formations organiques. Le plus simple de tous ces carbures, c’est le gaz des marais ou formène ; là le carbone se trouve le moins condensé, car un litre de formène ne renferme qu’un demi-gramme de carbone, tandis que tous les autres gaz hydro-carbonés connus en contiennent dans un litre au moins un gramme. En même temps que la condensation du carbone est très faible, l’hydrogène se trouve avec ce dernier corps dans un rapport plus grand que cela ne s’observe pour tout autre carbure. Le gaz des marais devait donc être le point de départ d’une série d’opérations destinées à reproduire des carbures de plus en plus riches en carbone. M. Berthelot les exécuta, et il réussit à transformer successivement, par des méthodes directes, le formène en acétylène (deux fois aussi condensé), en benzine (six fois aussi condensée), en naphtaline (dix fois aussi condensée) ; par des méthodes indirectes, il changea le même gaz en éthylène (4 parties de carbone, 4 d’hydrogène), en propylène (6 parties de carbone, 6 d’hydrogène), en butylène (8 parties de carbone, 8 d’hydrogène), en amylène (10 parties de carbone, 10 d’hydrogène). Il avait découvert le moyen de condenser de plus en plus le carbone, et en opérant cette condensation il vérifiait par la synthèse cette loi importante : chaque molécule de l’élément que l’on condense s’unit à 2, 3, 4 ou un plus grand nombre de molécules de la même nature ; c’est ce qu’on nomme la polymérie. Ainsi, dans les nouveaux carbures obtenus par voie de condensation, le nombre des équivalens du carbone est toujours un multiple de celui de ces mêmes équivalens dans le corps générateur.

Cette loi synthétique mettait en évidence les combinaisons arithmétiques qu’opère la nature, et démontrait par la, pratique la génération des corps par l’assemblage d’un certain nombre de molécules d’espèces différentes accompli suivant différentes proportions ; elle établissait la possibilité de créer des carbures d’hydrogène à l’infini en condensant de plus en plus les élémens qui y entrent. Qu’on condense par exemple deux molécules d’amylène formées chacune de 10 parties de carbone et de 10 parties d’hydrogène en une seule, on obtiendra la molécule d’un corps nouveau, le diamylène, découvert par M. Balard, et qui se trouve composé de 20 parties de carbone et de 20 d’hydrogène. Par une condensation nouvelle, on obtiendra le triamylène, dont la molécule renfermera