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Cependant les progrès mêmes de la chimie minérale soulevaient tout doucement un coin du voile dont la fabrication des produits organiques au sein de la nature demeurait enveloppée. Dès la fin du siècle dernier, on reconnut que les matières qui se développent chez les végétaux et les animaux, qui sont retirées de leurs débris, renferment presque exclusivement du carbone, de l’oxygène, de l’hydrogène et de l’azote. On constata par là que ces quatre corps sont les principes formateurs, les élémens de toutes les substances organiques, élémens qui se trouvent souvent combinés avec certains autres corps simples et divers sels minéraux.

Ce premier résultat nous apprit que, si la végétation et la vie sont des forces à part qui ne sauraient être confondues avec le simple mouvement, avec l’affinité et la cohésion, elles ne créent cependant rien dont elles ne prennent les matériaux dans le règne minéral qui les entoure. En effet, les quatre élémens organiques existent tout formés dans l’atmosphère. L’air est un mélange d’oxygène et d’azote, associé à une faible proportion d’acide carbonique, c’est-à-dire de carbone combiné avec l’oxygène. De plus l’atmosphère tient en suspension de la vapeur d’eau, et personne n’ignore que l’eau est un composé d’oxygène et d’hydrogène. Donc les matières organiques empruntent à cette masse fluide et inorganique qui environne et pénètre notre globe les élémens de leur composition. Quant aux autres substances placées pour ainsi dire accidentellement dans leur trame, elles les tirent du sol ; les plantes les y pompent, et les animaux, en mangeant les plantes, se les assimilent.

Il devint ainsi manifeste que les principes particuliers qui jouent souvent dans le règne organique le rôle de corps simples se constituent par la combinaison, l’union d’autres principes n’appartenant pas exclusivement au même domaine ; mais, ce fait constaté, le procédé à l’aide duquel l’économie animale ou végétale engendre les substances qui lui sont propres n’en demeurait pas moins inconnu : on pouvait encore supposer que, toutes composées qu’elles sont d’élémens inorganiques, les matières organiques obéissent, dans leur union et leurs actions réciproques, à des lois spéciales différentes de celles que la chimie avait fait connaître. On pouvait croire que dans ce laboratoire admirable qui s’appelle un organisme il y a des opérations et des effets produits absolument différens de ce qui se passe dans le laboratoire des chimistes. Les progrès ultérieurs de. la science montrèrent qu’il n’en est rien. Quand l’analyse eut atteint une plus grande rigueur, grâce aux travaux des Gay-Lussac, des Thénard, des Berzélius, des Liebig, des Dumas, on reconnut dans ces matières organiques l’intervention du même ordre d’affinités que dans le règne minéral, des lois de combinaison toutes semblables à celles de la nature brute. Les élémens des substances orga-