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qu’avec la prière la confiance est entrée dans son cœur. C’est ce que prouve l’inscription suivante, tracée par la même main du côté de la sortie : « Sofronie, ma chère Sofronie, tu vivras toujours, oui, tu vivras dans le Seigneur ; Sofronia dulcis, semper vives Déo, Sofronia, vives ! »

Retrouver un cimetière, lui rendre son nom, s’assurer de son identité en y constatant la présence des tombeaux que les pèlerins du VIe siècle y avaient visités, ce n’est pas tout. Il faut essayer de reconnaître encore l’âge de ce cimetière et de fixer une date aux monumens qu’il renferme. Cette entreprise n’est pas facile. Les tombes historiques, c’est-à-dire celles qui contenaient des personnages qui ont un nom dans l’histoire, sont rares dans les catacombes. Encore n’est-on pas toujours certain que le monument remonte à la mort de celui qui y est enterré ; il peut avoir été refait plus tard. La plus grande partie des galeries souterraines ne contient que des morts obscurs. Les inscriptions tracées sur les plaques de marbre ou de brique qui fermaient les tombeaux pourraient donner des indications précieuses ; malheureusement elles sont presque toujours d’un laconisme désespérant. L’épigraphie chrétienne des premiers temps n’avait pas plus de goût pour le bavardage des inscriptions grecques que pour la majestueuse solennité des inscriptions romaines. Elle se contente d’écrire le nom du mort et de marquer le jour où il a été déposé dans le sépulcre, pour qu’on puisse en célébrer l’anniversaire. C’est à peine si elle distingue les prêtres ou les évêques du reste des fidèles. On ne retrouve que la mention de trois prêtres dans la crypte de Lucine, et ce qui est curieux, c’est que l’un d’eux est à la fois prêtre et médecin. La désignation du martyre est très rare aussi, et elle a été presque toujours associée plus tard à l’épitaphe. Les distinctions sociales sont absentes. Aucune marque n’indique la tombe où sont ensevelis les sénateurs ou les personnages importans. Il y en avait cependant parmi les chrétiens. Tertullien nous parle des hommes et des femmes de famille sénatoriale que l’empereur Sévère ne persécuta pas, quoiqu’il les sût attachés à la religion nouvelle. Leurs restes sont aujourd’hui perdus parmi ceux des pauvres gens, sans que rien les puisse faire reconnaître. « Il n’y a chez nous, disait Lactance, aucune différence entre le pauvre et le riche, l’esclave et l’homme libre. Nous nous donnons le nom de frères, parce que nous croyons être tous égaux. » Quoi qu’on fasse, l’égalité souffre toujours un peu pendant la vie ; les frères voulaient au moins la retrouver dans la mort. Cette humilité héroïque a quelques inconvéniens pour nous. Le silence auquel ces personnages se condamnent dans leurs épitaphes nous enlève, le moyen de savoir exactement l’âge de leurs tombeaux. Nous sommes