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siècles ils ne les ont cachés à personne, qu’il y a des raisons de croire qu’ils les possédaient légalement, qu’en tous cas, venus à une époque où les sépultures communes étaient fort répandues, ils ont joui, sinon de la protection, au moins de la tolérance de la loi. C’est ainsi que ce problème, qui semblait presque insoluble au siècle dernier, est devenu parfaitement clair pour nous.


III

Il y a plusieurs époques dans l’histoire des catacombes, et je n’ai encore parlé que de la première : elle embrasse deux siècles, et s’étend jusqu’au règne de Dèce. Pendant ce temps, les chrétiens ont joui presque toujours d’une certaine liberté. Il n’est pas douteux qu’à l’origine leur doctrine n’ait été prêchée sans contrainte. Les persécutions de Néron et de Domitien ne furent que des tempêtes passagères. Dans l’intervalle, sous Vespasien et sous Titus, on les laissa tout à fait libres. M. de Rossi rapporte à ce moment la construction de la magnifique catacombe de Domitilla, ce qui prouve que personne ne songeait alors à entraver les manifestations publiques de leur culte. Les empereurs qui suivirent jusqu’à Septime Sévère prirent surtout contre eux des mesures administratives qui furent quelquefois sévèrement exécutées, mais auxquelles il était facile de se soustraire, et qui n’arrêtèrent pas les progrès de la religion nouvelle. Je ne puis croire qu’ils aient été des persécuteurs bien violens quand je vois que l’évêque Méliton disait à Marc-Aurèle, en parlant du christianisme : « Cette philosophie que vos ancêtres ont respectée comme toutes les autres religions. » Sous Caracalla, sous Alexandre Sévère, sous les deux Philippe, les chrétiens furent non-seulement soufferts, mais protégés. Aussi est-ce à ce moment que leurs cimetières, qui d’abord avaient peu d’étendue, prirent ces immenses accroissemens que nous admirons aujourd’hui.

M. Michel de Rossi a établi d’une façon très ingénieuse quelles étaient les limites primitives de chacun de ces cimetières, et comment ils s’étaient successivement agrandis. Son explication est très vraisemblable, elle a de plus l’avantage de mettre encore mieux en lumière les principes qui dirigent alors la conduite des chrétiens, l’imitation constante des usages de leur temps et le désir de se mettre toujours sous la protection de la loi. Pour qu’ils fussent certains de posséder leurs cimetières sans contestation, pour éviter les procès et les chicanes, il fallait que la superficie du sol où ils les creusaient leur appartînt, et qu’elle leur appartînt pour toujours. La possession inaliénable du terrain supérieur était la seule garantie de l’inviolabilité des tombes souterraines. Pour obtenir