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atteint. En l’absence de documens chrétiens, il s’est fort habilement servi, des habitudes et des usages de l’antiquité profane qu’il connaît à merveille, et l’on va voir à quels résultats cette méthode ingénieuse l’a conduit.


II

Quand on parle des catacombes, on se figure d’ordinaire des lieux souterrains dont l’accès n’est connu que de quelques initiés, et dans lesquels un culte proscrit se dérobe soigneusement à ses persécuteurs. C’est une idée qu’il faut perdre. M. de Rossi a victorieusement démontré que dans les deux premiers siècles les chrétiens n’ont pas cherché à dissimuler l’existence de leurs cimetières, qu’ils les possédaient légalement, que l’autorité les connaissait et qu’elle les a peut-être protégés. Cette opinion est trop nouvelle, elle heurte trop les idées reçues pour qu’il ne soit pas nécessaire de l’établir sur quelques preuves.

On ne respectait rien à Rome autant que les tombeaux ; ils étaient sous la protection de la loi, qui tenait pour sacré (religiosus) le lieu où il y avait quelqu’un d’enterré, et défendait qu’il pût jamais être vendu. Ce respect s’étendait à tous les cultes ; les cimetières des chrétiens en ont naturellement profité. On ne voit pas pourquoi ils n’auraient pas joui des privilèges qu’on accordait aux autres. Ils ne fournissaient aucun prétexte contre eux. Si leur façon d’ensevelir les morts n’était pas la plus habituelle, nous venons de voir qu’elle ne leur était pas non plus particulière, que les Juifs et les autres peuples de l’Orient la pratiquaient en liberté, et que les Romains commençaient aussi à l’imiter. Il n’y avait donc pas de motif de les priver du droit commun ; même quand l’autorité les persécuta, sous Néron et Domitien, on ne voit pas que la persécution se soit étendue jusqu’à leurs tombeaux. La loi romaine ne refusait pas la sépulture aux criminels qu’elle avait punis, et la tombe d’un supplicié était aussi inviolable que les autres.

Cette disposition de l’opinion publique et de la loi à respecter les tombeaux était déjà une garantie de sécurité pour les cimetières des chrétiens. Il est probable qu’ils en ont cherché d’autres. Quand on étudie l’histoire des premiers temps du christianisme, il ne faut pas oublier que ce n’était pas une de ces religions qui veulent amener des changemens politiques. Au contraire il prêchait l’obéissance aux pouvoirs établis, et tâchait autant que possible de vivre en paix avec l’autorité. On peut être sûr qu’en toutes choses, quand il a pu mettre de son côté la légalité, au moins en apparence, il l’a fait avec empressement. Il est donc naturel de croire qu’il a cherché d’abord s’il pouvait trouver quelque moyen légal de posséder sans