Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dant deux siècles, et jusqu’à nos jours elle a fait loi. Cependant elle ne tient pas devant l’examen attentif des catacombes, Le père Marchi avait commencé à l’ébranler, M. de Rossi l’achève. Il n’a pas de peine à démontrer que des chambres de 3 à 4 mètres carrés et des galeries de 1 mètre au plus de largeur, se coupant à angles droits, ne seraient guère commodes pour extraire la pouzzolane et la transporter. Il reste d’anciennes carrières romaines dont la destination n’est pas douteuse, et l’aspect en est bien différent de celui des catacombes : les couloirs y sont plus larges, les dégagemens plus multipliés ; tout y paraît mieux approprié aux nécessités d’une exploitation industrielle. D’ailleurs M. Michel de Rossi, en étudiant avec soin la nature du terrain dans lequel sont creusés la plupart des cimetières de Rome, a remarqué qu’ils évitent systématiquement les bancs de pouzzolane friable pour s’enfoncer de préférence dans ceux dont la pierre est plus spongieuse et plus dure, et il déclare nettement que jamais on n’en a pu tirer de matériaux propres à construire. Cette raison est décisive et lève les derniers doutes qu’on pouvait avoir. Ce n’est pas qu’on ne puisse admettre que les chrétiens n’aient quelquefois approprié à leur usage des carrières abandonnées, l’histoire le dit et l’étude des catacombes le prouve ; je dirai plus tard dans quelle occasion et par quels motifs ils furent amenés à le faire ; mais c’étaient des exceptions. M. de Rossi, dans tous les cimetières qu’il a jusqu’ici visités, n’a pu encore reconnaître que trois ou quatre de ces anciennes carrières, et il n’est pas probable qu’il y en ait davantage. Tout le reste a été fait de la main des chrétiens. On trouve plusieurs fois dans les catacombes l’image des fossoyeurs au travail. Ils sont représentés la pioche à la main et attaquant le roc qui surplombe. Cette attitude qu’on leur donne indique la façon dont ils ont procédé. On ne les aurait pas dépeints ainsi, s’ils n’avaient fait que profiter des excavations antérieures. Ils se sont donc hardiment avancés, se faisant une route avec leur pioche à travers ces couches de tuf granulaire dont le sol de la campagne romaine est rempli ; ils ont creusé le roc devant eux, soutenus par leur foi, « habitant les entrailles de la terre, comme le moine sa cellule, » et ces interminables galeries, qui contiennent, dit-on, six millions de tombes, sont entièrement leur ouvrage.

D’où vint aux premiers chrétiens ce mode de sépulture qui exigeait, d’eux ces travaux effrayans ? On a répondu depuis longtemps qu’ils le tenaient des Juifs. On aurait dû ajouter qu’en cela les Juifs ne faisaient que suivre la coutume de la plupart des peuples de l’Orient. On n’enterrait pas autrement en Syrie. Partout où les Tyriens ont pénétré, à Malte, en Sicile, en Sardaigne, on retrouve des sépultures semblables. M. Beulé a constaté l’existence de catacombes à Carthage, M. Renan en a vu dans la Phénicie ; l’Asie-