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ler de paix. Leurs réunions générales s’appellent « conventions pacifiques, » et les bulles de savon crevées de Niagara seront bientôt suivies de quelque autre bruit ingénieux de négociations imaginaires.

De leur côté, les confédérés sont fort en péril. Sans grands événemens, sans coups d’éclat, et malgré leur intrépide résistance, la guerre tourne sûrement à leur ruine. Le gouverneur Brown de la Géorgie ne vient-il pas de déclarer que si Atlanta n’était pas maintenue contre Sherman, si le pays n’était pas délivré de l’invasion en peu de semaines, il ne répondait plus de son état ? Johnston, qui commandait à Atlanta, voulait abandonner la place : sur l’ordre qu’on lui a envoyé de combattre, il s’est démis de son commandement. Un autre général, nommé à sa place, a refusé de le prendre, et Hood n’a accepté que pour se faire battre. Grant, il est vrai, avance lentement, mais sûrement. Toutes les sorties de l’ennemi sont repoussées : il en est réduit, pour se ravitailler, à ces raids dont le succès ne saurait longtemps prolonger sa vie. Hier encore on s’effrayait d’une invasion nouvelle. Les rebelles avaient battu sur la frontière un petit corps de troupes, brûlé et pillé un canton de la Pensylvanie. Ce ne sont plus des expéditions militaires, mais les brigandages désespérés d’une armée en détresse.

Le sud enfin est tellement épuisé, qu’en dépit de son attitude arrogante il pourrait bien chercher le salut dans la soumission. La paix est son unique espoir ; mais, si belle qu’on la lui fasse, il ne l’acceptera pas des républicains, son orgueil se plierait plus facilement devant les démocrates. Beaucoup de gens pensent ou affectent de croire que cet orgueil, habilement ménagé, pourrait se contenter de satisfactions apparentes et se résigner à une défaite qui aurait les dehors d’une réparation. Peut-être, dit-on, les gens du sud n’attendent-ils que l’avènement des démocrates pour recevoir d’eux la paix et le pardon, et l’administration républicaine serait alors le seul obstacle au rétablissement du passé. Cet espoir affaiblit le gouvernement et grossit l’opposition de beaucoup d’hommes pacifiques et honnêtes, qui ne veulent pas plus de paix déshonorante que de guerre éternelle. De même que les républicains ont rallié à leur cause les démocrates modérés dans l’élection du président Lincoln, les démocrates, s’il sont sages, pourraient bien rallier un grand nombre de républicains. Il faut pour cela que les plus violens se modèrent et renoncent à leur cher esclavage ; il faut que le parti adopte le programme des républicains. Alors la querelle n’étant plus entre les principes, mais entre les hommes, il y aurait beaucoup à espérer de l’union d’un parti démocrate régénéré, combattant les républicains par leurs propres armes, et recueillant le fruit de leurs efforts en leur laissant la responsabilité de leurs