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d’améliorer ses rapports avec la Grande-Bretagne, tout en évitant de blesser les puissances allemandes pour ne pas précipiter la situation. Telle est la clé de l’attitude gardée par la France pendant les conférences de Londres. Eh bien ! vers la fin de ces conférences ; le cabinet des Tuileries vit clairement qu’il était loin d’avoir atteint son but, qu’au lieu de se disloquer, l’entente des trois cours devenait chaque jour plus intime, et les entrevues successives entre Alexandre II, François-Joseph et Guillaume Ier à Berlin, à Kissingen, à Carlsbad, dans le mois de juin (du 9 jusqu’au 23), étaient à cet égard des indices peu trompeurs. Les niais seuls pouvaient dire et se laisser dire que de pareilles rencontres en de pareilles circonstances n’avaient point de but ou même de signification politique, que l’empereur de Russie cédait seulement à un bon mouvement de cœur en se ménageant un rendez-vous avec ce souverain de l’Autriche qui avait osé l’année passée lui faire des remontrances au sujet de la Pologne, et dont les employés avaient pratiqué en Galicie la « connivence » qu’on sait. Vers le milieu de juin, un auguste personnage disait à Fontainebleau au prince Metternich qu’on était très bien renseigné sur les propositions que l’empereur Alexandre avait faites à Berlin et devait aussi faire au souverain de l’Autriche, que la France saurait garder son attitude calme, impartiale, et aussi défendre énergiquement au besoin son influence légitime. La vérité est que les trois cours du Nord étaient très sérieusement travaillées en ce moment par l’idée d’établir entre elles une forte solidarité. Une fois rentrée dans l’ancien giron et renonçant à des « aventures, » l’Autriche crut devoir exploiter autant que possible la situation, obtenir surtout cette « garantie » qui était devenue sa pensée fixe depuis la guerre de Lombardie. Et de même, si d’un côté la mission « piémontaise » de la Prusse entraînait toujours un antagonisme latent entre les cours de Berlin et de Vienne, de l’autre cependant les intérêts « conservateurs, » les traditions et les préjugés de ce parti de la croix qui lui donnait sa seule force à l’intérieur poussaient M. de Bismark, à « la grande trinité politique fondée en 1815 sous l’invocation de la trinité chrétienne et sur les ruines du paganisme moderne qu’on nomme, la révolution, » pour parler le langage de M. de Gerfach. Quant à la Russie, il semble qu’elle aurait dû être la puissance la moins disposée à engager l’avenir et à rechercher des ennuis : elle était sortie triomphante de son « combat aérien » avec l’Europe libérale et sentimentale au sujet de cette Pologne qu’elle avait écrasée, et, bonheur ineffable, elle avait en même temps, dans la même année, extirpé à jamais les populations montagnardes et guerrières de la Circassie, conquis définitivement le Caucase et ouvert devant ses légions la route