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ministère succomba dans la chambre haute, il eut une majorité suffisante en sa faveur dans la chambre des communes ; mais ce qui fut surtout caractéristique et instructif, ce fut la pensée dominante de ces débats, qui ressortait avec une clarté lumineuse, et dans des termes identiques, de l’un comme de l’autre côté du speaker et du lord chancelor. Qu’on veuille bien le remarquer en effet, ce n’est pas une assistance à porter au Danemark que poursuivait l’opposition dans son projet de censure contre le ministère. L’abandon de la malheureuse nation ! tout le monde était d’accord à en reconnaître la nécessité, la « sagesse ; » M. Disraeli le proclamait aussi haut que lord Palmerston, le comte Derby aussi haut que lord Russell, — ce noble et savant comte Derby qui l’année passée pourtant avait si fièrement déclaré que, « si le Danemark se trouvait en péril, personne ne saurait hésiter sur le devoir qu’aurait alors à remplir l’Angleterre !… » On ne reprochait pas non plus aux conseillers de la couronne d’avoir par hasard négligé une occasion précieuse, laissé échapper tel moment où, il leur eût été peut-être donné de secourir le Danemark d’une manière efficace et facile. Bien au contraire : on leur reprochait d’en avoir seulement conçu la pensée, d’avoir eu une velléité quelconque d’agir ; on leur faisait an crime de s’être mêlé des affaires de cette monarchie comme de celles du continent en général, de s’être trop remués et d’avoir trop agité, — medle and mudle, comme l’avait déjà dit lord Derby dès l’ouverture de la session. On ne saurait trop insister sur la grande leçon qui sortit de ces débats mémorables, sur la pleine justification aussi qu’y a trouvée l’abstention qu’avait pratiquée le gouvernement français dans le différend dano-allemand, abstention nécessaire, impérieusement commandée par les circonstances, et à laquelle, encore une fois, on aurait tout au plus le droit de reprocher de n’avoir pas été encore plus absolue et plus franche !

Et toutefois c’est précisément à l’époque où se poursuivaient ces débats si instructifs dans les chambres britanniques, c’est alors que la France eut soudain la pensée de renoncer à son abstention et de se jeter dans la mêlée. Il y eut un moment, — une semaine, — où la France fit jouer tous les ressorts pour entraîner l’Angleterre dans une action commune, où le Danemark assailli eut une lueur d’espoir. — et ce n’est pas là certes un des moins curieux épisodes de l’étrange drame… Depuis le mois de mars, lors de la proclamation de l’état de siège en Galicie, le cabinet des Tuileries avait abandonné toute idée d’une entreprise guerrière en dehors d’un concert avec le cabinet de Saint-James ; depuis la mission de lord Clarendon, il avait aussi renoncé à l’espoir de toute entreprise de même nature en commun avec l’Angleterre. Enfin, devant l’alliance du Nord, qui commençait à se dessiner dans le lointain, il résolut