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— Oui, fut la réponse, mais avant de les produire il faut que la question préjudicielle soit décidée et que le terrain soit libre ! » Dans la séance qui suivit (la cinquième, du 17 mai), les plénipotentiaires de l’Autriche et de la Prusse produisirent enfin leur combinaison pour une paix « solide et durable : » c’était « l’indépendance politique complète des duchés. » Cela signifiait-il l’indépendance sous le sceptre de Christian IX, c’est-à-dire l’union personnelle ? L’Autriche et la Prusse ne s’expliquaient que vaguement à ce sujet : elles semblaient seulement admettre l’hypothèse d’une union personnelle, et « sans porter préjudice aux droits acquis ; » mais M. de Beust protesta clairement contre l’union personnelle au nom de la compétence légale du Bund, du nexus du Slesvig avec le Holstein et de la « question de succession. » D’ailleurs tout cela n’était qu’une fausse manœuvre : on savait que le Danemark ne pourrait accepter « l’union personnelle ; » mieux valait pour lui en effet perdre définitivement même tout le Slesvig que de mener l’existence hybride que lui préparait une pareille solution. Aussi les plénipotentiaires danois refusèrent-ils d’accepter la proposition, ne fût-ce qu’ad referendum, et on se sépara en se donnant rendez-vous après les vacances de la Pentecôte.

On se racontait dans le même temps à Londres qu’immédiatement après cette cinquième séance les ministres britanniques s’étaient réunis au grand complet, que lord Palmerston avait proposé dans ce conseil d’assister matériellement le Danemark, mais que la reine avait refusé péremptoirement de sanctionner une telle politique. « Plutôt abdiquer ! » aurait-elle répondu cette fois encore à lord Clarendon… En enfant terrible qu’il était, le comte Ellenborough se fit même bientôt au parlement l’écho de ces bruits. « On croit volontiers en Allemagne, dit le noble lord le 26 mai 1864, on croit sur le continent que les ministres de sa majesté, dans toutes les questions publiques relatives à l’Allemagne, ont autant de difficulté à suivre une politique purement anglaise que les ministres en éprouvaient autrefois sous les deux premiers souverains de la maison de Hanovre. Cela est évidemment faux, car cela est contraire à la constitution, et il est à espérer qu’une politique purement anglaise prévaudra dans les conseils du cabinet anglais… » A des paroles si peu voilées et qui visaient si haut, lord Russell ne put naturellement répondre qu’en revendiquant toute responsabilité pour les conseillers de la couronne. Il affirma que sa gracieuse majesté était une reine constitutionnelle, « bien qu’elle pût, comme les autres monarques, avoir ses affections personnelles, étant alliée par mariage avec des princes d’Allemagne et ayant avec des familles allemandes des liens de parenté. » Quoi qu’il en fit, et l’idée d’assister matériellement le roi Christian IX ayant dû être abandon-