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Saint-James dans une vaine campagne diplomatique qui n’aurait fait qu’exaspérer l’Allemagne et resserrer le nœud entre les trois cours du Nord ; il pouvait moins que jamais aussi prendre port à une « démonstration maritime » sans s’être assuré de l’appui illimité de ceux qui la proposaient. Certes il y avait cette demi-vérité qui, selon le proverbe oriental, est encore pire que le mensonge entier, dans l’assertion que les ministres britanniques, et lord Clarendon comme tout autre, devaient bientôt produire au sein du parlement, — à savoir que la France avait demandé une compensation territoriale pour le prix de son concours dans le salut d’une nation malheureuse. Énoncée ou plutôt dénoncée ainsi d’une manière tellement abrupte, la thèse prend un caractère peu honorable et même odieux, qu’elle perd complètement lorsqu’on la considère dans l’ensemble de circonstances ou elle fut présentée. Cet ensemble de circonstances a été développé plus haut : à lord Clarendon comme à ses devanciers dans la tentative d’amener une action commune, il fut répondu que l’action de la France entraînerait une guerre sur mer et sur terre, une grande guerre avec de graves conséquences, et qu’une de ces conséquences les plus immédiates, les plus probables, serait une rectification de la frontière du Rhin. Lord Clarendon pouvait aussi peu qu’aucun autre Anglais bien avisé accepter de pareilles conséquences ou même admettre de pareilles prémisses, c’est-à-dire une guerre sérieuse contre l’Allemagne, — et, telles étant les constellations, il ne restait pour le gouvernement français qu’une marche à suivre. Il devait autant que possible améliorer ses rapports avec l’Angleterre sans trop irriter le sentiment tudesque, afin de ne pas contribuer ainsi à une entente encore plus intime des trois cours de la sainte-alliance. Déjà une dépêche de M. Drouyn de Lhuys du 4 avril 1864 à M. le baron Forth-Rouen, ministre de France à Dresde, avait fait pressentir la légère inflexion que le cabinet des Tuileries entendait maintenant donner à sa politique dans la question des duchés. La dépêche ne condamnait plus d’une manière aussi absolue « l’œuvre impuissante » de 1852. « Si, disait-elle, le rétablissement pur et simple des transactions de 1851 et 1852 est reconnu possible, nous le soutiendrons de préférence. » Ce n’est que pour le cas où le traité de Londres serait abandonné que M. Drouyn de Lhuys se réservait de plaider la cause du suffrage populaire sur les bords de l’Eider. On prenait ainsi le même point de départ que l’Angleterre, tout en indiquant une déviation, si elle devenait impérieuse : on maintenait le vote possible des populations, par principe sans doute, mais quelque peu aussi par calcul. M. de Bismark avait l’esprit bien assez large pour admettre au besoin le suffrage universel, alors surtout qu’il serait convenablement a dirigé » par des caporaux prussiens ; mais