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des autres puissances par suite de la guerre avec le Danemark, » et le ministre ajoutait que les dangers pour l’Autriche venaient non de la Hongrie, mais bien de l’Italie et de la Pologne. Il est vrai que le président du conseil maintenait en même temps devant sir A. Buchanan le caractère « purement militaire » de la mission de M. de Manteuffel. Toutefois ces « arrangemens militaires » étaient en réalité aussi politiques que possible. L’aide-de-camp du roi Guillaume apportait à Vienne un projet de convention qui fut à la fois quelque chose de moins et de plus que cette « garantie » que l’Autriche n’avait cessé de demander depuis 1860 à tous ceux qui l’abordaient. Le projet stipulait la mobilisation de l’armée prussienne dans le cas d’une attaque sur la Vénétie de la part des Italiens seuls, sa coopération effective dans le cas où la France leur prêterait son aide, et une assistance militaire (si l’Autriche la demandait toutefois) contre tout soulèvement dans les provinces non allemandes de l’empire. Un quatrième et dernier article de la convention réservait pour la Prusse le commandement de l’armée fédérale, si le Bund devait être appelé à participer à la guerre[1].

Le général Manteuffel prolongea son séjour à Vienne jusqu’au 7 mars ; mais les effets de sa mission par rapport aux états secondaires se firent sentir dès le 25 février. Ce jour-là, l’Autriche et la Prusse présentaient au sein de la diète de Francfort « la déclaration-proposition » (Erklaerung und Antrag) par laquelle elles annonçaient prendre le commandement militaire et civil dans le Holstein, c’est-à-dire dans un pays fédéral, dans le seul coin de terre où s’exerçât encore l’exécution du Bund ! Telle était la réponse de M. de Bismark au demi-rapport de M. de Pfordten, aux résolutions « énergiques » de la conférence de Würzbourg et aux projets de M. de Beust d’augmenter l’effectif fédéral dans les pays de l’Eider… La prétention était vraiment exorbitante, l’humiliation était sans bornes ; mais la tournée de M. de Manteuffel avait déjà répandu une terreur si grande que lorsque vint le moment du vote définitif (le 3 mars), la Bavière, le duché de Bade et la 13e curie (un ambigu de quelques petits principicules qui n’ont ensemble qu’une seule voix) osèrent seuls se déclarer formellement contre l’usurpation austro-prussienne. M. de Beust lui-même fit défection, et

  1. Lorsque plus tard, à la suite de la convention conclue entre la France et l’Italie au mois de septembre 1864, le cabinet de Vienne rappelait à M. de Bismark les stipulations apportées par le général Manteuffel, le ministre de Prusse répliqua que ces arrangemens n’avaient eu évidemment qu’une signification temporaire, pour le cas d’une guerre qu’auraient amenée les événemens dans les duchés. Les récriminations devinrent alors violentes à Vienne contre M. de Rechberg pour sa conduite « imprévoyante » dans les négociations avec M. de Manteuffel, et c’est surtout à ces récriminations qu’est due la chute du ministre des affaires étrangères d’Autriche.