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la mesure qu’exigèrent les circonstances. A une députation du Slesvig, qui vint, le 13 février, à Berlin plaider la reconnaissance du duc d’Augustenbourg, M. de Bismark répondit par une suggestion de plus surprenantes : il fit entendre « que le grand-duc d’Oldenbourg serait un candidat bien plus convenable, puisque l’empereur de Russie serait certainement disposé à lui céder les droits très réels qu’il avait sur une portion du Holstein. » Interpellé au sujet de cette sortie subite par sir A. Buchanan (dépêche du 20 février), le ministre répondit qu’il avait fait la « suggestion » seulement pour le cas où « les droits du roi de Danemark viendraient à être écartés, » — ce que naturellement le bon sir A. Buchanan ne put guère admettre.

C’est là le terrain légal que se préparait M. de Bismark pour l’avenir. Sur le terrain des faits et pour les besoins pressans du moment, il ordonna tout simplement (16 février) la mobilisation du 6e corps d’armée dans la Lusace (sur les frontières du royaume de Saxe), et envoya le général Manteuffel en « mission extraordinaire » à Dresde et auprès de divers autres souverains de l’Allemagne. L’apparition de cet aide-de-camp du roi de Prusse dans les différentes petites cours germaniques y produisit cet étrange effet qui charme le spectateur au quatrième acte de Robert : comme ce duc de Normandie quelque peu infernal, le général diplomate n’eut qu’à secouer son rameau magique, — une lettre plus ou moins autographe, — pour amener partout un assoupissement instantané. La persuasion du Hanovre n’exigea même pas le moindre effort de la part de M. de Manteuffel, et rien de plus curieux que de suivre les évolutions successives de ce petit royaume dans le conflit dano-allemand. Le Hanovre avait d’abord employé tous les moyens pour arranger le conflit et éloigner des duchés une « délivrance » prussienne. La délivrance devenant inévitable, il eut un moment l’illusion qu’elle pourrait se faire par les états secondaires à l’exclusion de la Prusse, et il trempa dans les conciliabules de Munich. Revenu bientôt de son erreur et complètement édifié sur la puissance irrésistible de M. de Bismark, il n’eut plus qu’un seul souci, celui de complaire au cabinet de Berlin dans toutes ses exigences. Le ministre hanovrien, comte Platen, se tint loin des conférences de Wurzbourg, il en détourna même la Hesse électorale, qui avait d’abord montré quelques velléités d’action énergique. « Je me garderai bien, disait-il dès le 13 février à l’agent britannique, M. Howard, de tomber dans la faute de M. de Beust… » Avec M. de Beust naturellement, la négociation fut plus rude, on dut même employer la menace : on fit clairement entendre que le sixième corps d’armée pourrait bien « occuper » Dresde, et le bruit courut un