Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/928

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

battu en Goliath contre le little giant lord John Russell. Eh bien ! au moment décisif, on les écartait dédaigneusement du champ de la politique comme du champ de la guerre ; on ne leur permettait ni de ceindre le front de leur Augustenbourg du diadème ducal, ni de se couronner eux-mêmes des lauriers de Missundel II est vrai que, pour adoucir le trait et « rassurer les esprits, » les deux grandes puissances allemandes avaient déclaré, immédiatement après le grand coup du 14 janvier, que, tout en prenant « en leurs propres mains » la conduite des affaires dans le Slesvig, elles entendaient ne gêner en rien et respecter en tout les autorités et les troupes fédérales dans le Holstein. La satisfaction ainsi accordée n’avait pas précisément de quoi trop exalter l’âme, car c’était condamner les soldats de la Bavière, de la Saxe et du Hanovre à demeurer l’arme au pied de ce côté de l’Eider, tandis que de l’autre côté, et à deux pas, les Autrichiens et les Prussiens « se couvraient de gloire ; » mais M. de Bismark s’appliquait en outre à rendre cette position, déjà peu enviable, aussi humiliante que possible. C’est ainsi que dès le 21 janvier 1864 l’armée prussienne commença de traverser le Holstein sans même que notification courtoise en fût faite aux commissaires du Bund, et à mesure que se développaient les faits de guerre dans le Slesvig, les Prussiens occupaient tel point « stratégique » dans le Holstein, pour « s’assurer » leurs communications et narguer les soldats fédéraux. Le 9 février, le maréchal Wrangel mettait le comble à ses empiétemens comme à ses procédés en écrivant au commandant fédéral Hake de lui livrer les places les plus importantes du duché, et entre autres la ville de Kiel. M. de Wrangel ne doutait pas qu’on ne mît cette fois à satisfaire ses désirs « le même empressement (willfaehrigkeit) dont on avait déjà souvent donné les preuves. » Le pauvre général Hake protesta et en appela au Bund ; le Bund délibéra, M. de Beust proposa d’augmenter l’effectif fédéral dans le Holstein, et le 14 février le maréchal Wrangel… occupa Kiel !

L’exaspération des états secondaires allait croissant. Dès le 20 janvier, une grande assemblée populaire à Munich conjurait le roi Maximilien Ier « de jeter l’épée de la Bavière dans la balance du destin. » Une autre assemblée, à Augsbourg, ne voyait que dans « l’intervention énergique (thalkrœftiges Eingreifen) des gouvernemens demeurés fidèles au Bund le moyen de préserver l’Allemagne de l’esclavage et du déchirement. » — « Que fait la confédération ? s’écriait, dans son adresse au roi, une assemblée tenue le 17 février à Nuremberg. Que font les états fidèles au Bund et leurs princes ? Depuis tant de mois, pas un acte ! On reste immobile, semblable au peureux (der Furchtsame) qui du vaisseau en