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chemin ; mais dès le lendemain parut à son tour le premier Monitor, qui engagea avec son formidable adversaire un combat resté célèbre, à la suite duquel le ram battit en retraite. On affirme qu’il n’avait éprouvé que des avaries de peu d’importance, ce qui fait encore plus d’honneur au Monitor et à son hardi capitaine, le lieutenant Warden. Il est juste aussi de dire que dans ce combat le Monitor n’avait pas encore à son bord le terrible canon de 15 pouces. La carrière du Merrimac s’arrête là. Pour des motifs connus des autorités confédérées, il ne s’aventura plus à portée des canons fédéraux, et peu de temps après, à l’époque de l’expédition de Mac-Clellan contre Richmond, son capitaine le fit sauter, lorsque les troupes sudistes qui tenaient garnison à Norfolk furent appelées à la défense de la capitale. A défaut du Merrimac, on voit bientôt paraître un nouveau ram non moins redoutable, construit d’après le même principe, mais doué d’une vitesse plus grande, et présentant, par rapport au premier modèle, de nombreux perfectionnemens. Il s’appelait l’Atlanta, et le 17 juin 1863 on le vit sortir de la rivière de Savannah, où il avait été construit, et s’avancer dans les bras de mer dont la côte dans ces parages est profondément pénétrée. Cette fois les fédéraux n’étaient pas pris au dépourvu. Avec cette rapidité de décision qui les caractérise, ils avaient mis à profit l’expérience heureuse du premier Monitor, et de nombreuses imitations de ce modèle avaient été faites, sans modification importante apportée à la conception originale. Les monitors répondaient à toutes les exigences du service qu’on attendait d’eux. Courts et, par suite d’une évolution facile, tirant peu d’eau, ils convenaient très bien à la navigation des eaux peu profondes de la côte d’Amérique. Et cependant ils portaient deux canons du plus gros calibre et rendaient leurs équipages à peu près invulnérables. Un d’entre eux, le Montauck, porte l’empreinte de deux cent quatorze boulets de gros calibre reçus impunément dans les nombreux combats auxquels il a pris part, et sur trente et quelques monitors que les États-Unis ont eus à flot pendant la guerre, un seul a péri par le feu de l’ennemi, le Keakuk. Or, bien qu’il portât le nom de monitor, sa cuirasse n’avait qu’une épaisseur de moitié moindre que celle des vrais types du genre, et ne put résister aux canons de 150 et de 200, chefs-d’œuvre de l’industrie anglaise, qui étaient montés sur les remparts de Charleston. Deux autres monitors ont péri par l’explosion de torpilles ou batteries sous-marines dont nous aurons l’occasion de parler tout à l’heure. Enfin deux, y compris le pionnier de la famille, le premier Monitor, ont sombré à la mer. Ces deux naufrages ont servi à propager l’opinion que les monitors étaient des navires manques, incapables de naviguer, une